La romancière américaine fouille avec douceur et drôlerie le parcours d’une enfant confrontée à une situation déstabilisante.
Il est des scènes d’ouverture que l’on n’oublie pas. Ici, une simple conversation téléphonique entre deux sœurs, Elaine et Minnie. Elaine enchaîne les propos incohérents et affirme avoir peur de sa fille de 8 ans, Francie, qui se tient muette à ses côtés et l’observe. A l’autre bout du fil, Minnie devine qu’Elaine est en train de sombrer dans un épisode psychotique grave. Et qu’il faut au plus vite, pour sa sécurité, éloigner la petite Francie.
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D’une construction très libre, le roman est une plongée dans la personnalité de Francie devenue jeune adulte. Mêlant souvenirs, conversations, monologues et interrogations, il tourne autour de cette scène originelle : le jour où Francie a vu de ses yeux sa mère basculer. Aimee Bender excelle dans l’évocation de situations étranges et incontrôlées.
Dans son roman La Singulière Tristesse du gâteau au citron (Editions de l’Olivier, 2013), elle avait déjà placé une enfant face au désespoir d’une mère dépressive. Sa grande maîtrise littéraire et son sens de l’humour lui permettent de traiter son sujet en évitant tout pathos.
Bender analyse la capacité de son héroïne à se construire malgré tout, et, au-delà d’une situation particulière, elle observe ce qui unit ou sépare les membres d’une même famille
Remontée de souvenirs
Très jeune, Francie s’est donc retrouvée chez Minnie, qui l’a élevée, et Elaine a été internée pour toujours. Francie a grandi dans l’harmonie, sans problèmes apparents, mais ne cesse de repenser à cette journée où sa vie a été bouleversée, habitée par la peur d’être folle elle aussi. Car comment une fille pourrait-elle être certaine d’avoir été épargnée par une maladie mentale qui a englouti sa mère ? N’a-t-elle pas, un jour, cru qu’un papillon s’était échappé de l’abat-jour sur lequel il avait été peint ?
Bender analyse la capacité de son héroïne à se construire malgré tout, et, au-delà d’une situation particulière, elle observe ce qui unit ou sépare les membres d’une même famille. Son talent lui permet de créer de l’inattendu et une certaine drôlerie dans cette remontée de souvenirs. Surtout, Bender sait observer avec tendresse chacun de ses personnages, Minnie, Elaine et Francie, et les rendre vivants sans jamais en faire des archétypes.
Un papillon, un scarabée, une rose (Editions de l’Olivier), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy, 352 p., 22,50 €
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