Et si écrire, c’était toujours échouer ? L’écrivain et traducteur signe un essai beau, drôle et mélancolique sur l’échec, qui s’apparente à la confession d’un obsédé des mots.
“Au commencement était l’échec”, suggère Claro, plutôt que “Au commencement était le Verbe”. Ce détournement n’intervient pas par hasard, tant la réflexion profonde que l’écrivain propose sur le concept d’échec s’ajuste pleinement à l’horizon de l’écriture et de la traduction, sa double vocation. Plus qu’une énième théorie philosophique de l’échec, son livre vibre comme un essai poétique et existentiel sur la condition même d’écrivain, dont la vie se résume à un brouillon, à une succession infinie d’obstacles, à une “passion de la défaite”.
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Écrire, “c’est passer sa vie à ne pas savoir vraiment écrire, à devoir sans cesse réécrire”, observe-t-il. À travers plusieurs mouvements entrelacés dans le texte – des listes de ses échecs personnels, des explorations d’œuvres-clés de la littérature de l’échec, de Kafka à Pessoa et Cocteau… –, Claro s’amuse, avec une malice teintée de noirceur, à se dépeindre comme celui qui s’est “toujours fait une certaine idée de l’échec”. Farceur, il nous prévient : “J’avais échoué. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus beau moment de la vie.” Paul Nizan, sors de ce corps !
L’échec, un ami qui vous veut du bien
Mais plutôt que de se livrer à un déchirant lamento qui prendrait le lecteur comme témoin de ses souffrances répétées face aux mots qui s’échappent, l’auteur s’amuse à faire corps avec lui-même, avec ses obsessions quasi névrotiques : des mots, des mots, toujours des mots. Un écrivain aussi désirant que détraqué, obsédé par des livres à contre-courant d’une “littérature pavillonnaire” dominante, douce et consolatoire.
Fidèle à quelques poètes, de Mathieu Bénézet à Henri Michaux, Claro se veut le défenseur d’une certaine idée de la littérature, peut-être la plus intransigeante. “Qu’aurions-nous à faire d’un texte halogène, surexposé, indivisible ?”, se demande-t-il, reconnaissant qu’il aime lire ce qui se refuse au premier abord, conscient de sa fascination pour ce qu’il appelle “l’art de faillir”, qui est pour lui au cœur de l’acte d’écrire et de lire.
“Échec, lumière de ma vie, feu de mes reins” : on lit dans cette confession survitaminée, pleine d’une allégresse et d’une foi dans la littérature que seules la mélancolie et la joie entrelacées sont capables de produire, quelque chose comme une ode très belle à l’écriture et à l’échec qui l’habite jusqu’au surgissement d’un miracle. Au commencement était la possibilité d’un éblouissement. Claro s’en rapproche ici, c’est sa réussite.
L’Échec – Comment échouer mieux de Claro (Autrement) 240 p., 20 €. En librairie le 10 janvier.
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