Présidentielle 2022 – Elles et ils ont répondu à la question “De quel pays rêvez-vous ?” dans notre numéro d’avril. Les écrivaines et les écrivains de “FICTIONS 2022” réagissent au résultat du premier tour de l’élection présidentielle.
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Quand cesserons-nous d’être des enfants ? Quand cesserons-nous d’attendre de la politique ce qu’elle n’a jamais donné ? Ce qu’elle ne peut donner ? Quand cesserons-nous de nous indigner qu’elle ne soit autre chose que ce qu’elle est, c’est-à-dire du pouvoir ? Quand cesserons-nous de croire qu’un joug puisse être juste ? Ou, et c’est déjà descendre d’une marche, nous affoler qu’il puisse être demain moins confortable qu’hier ? Quand agirons-nous en sujets ? Je veux dire en sujets pensants et agissants, en sujets libres et responsables, en adultes ?
Quel que soit le résultat de l’élection présidentielle, ce sera une mauvaise nouvelle.
Quel que soit le résultat de l’élection présidentielle, ce sera une mauvaise nouvelle. Que Macron l’emporte plutôt que Le Pen, et c’est tout ce qu’il reste à espérer, ne suffira pas à me satisfaire. Ce premier tour ne nous a rien appris que nous ne sachions déjà, ce qu’on voit s’ancrer en France comme ailleurs depuis des décennies. D’un côté un libéralisme absurde, entraîné par son propre mouvement, insoucieux des vaincus, aveugle à ses propres dégâts, sur les hommes ou la nature, un libéralisme toujours plus brutal, réduisant en droit comme en fait les libertés, quand ce ne sont pas celles des vainqueurs, un libéralisme incapable de comprendre qu’à humilier les plus faibles, on les rend furieux. De l’autre, une pensée longtemps minoritaire et honteuse maintenant aux marches du pouvoir qui ne pense rien si ce n’est que le problème c’est l’autre, toujours lui, à croire que l’histoire ne nous a rien appris ou pas à tout le monde, et qui quant aux libertés, ne paraît guère s’offusquer de leur affaiblissement constant, mais seulement qu’il ne va pas assez vite et assez fort, et en gros qu’il faut exclure pour que des exclus soient exclus à la place des exclus. On sait tout ça depuis longtemps. On a laissé tout ça arriver. Peu importe qui et peu importe comment.
Redevenons politiques
Ça ne sert à rien, ça ne servira à rien de s’indigner. N’ayons pas bonne conscience à si bas prix. Voyons à quoi la situation nous oblige. Car c’est nous, et d’abord nous avec nous-mêmes, que ces choses concernent. Il n’y a pas un dehors et un dedans. Un dehors dans lequel on vote, éventuellement on manifeste, et un dedans va petit mousse le vent te pousse. Voter n’est pas tout. Voter n’est presque rien. Accuser le pouvoir de ne pas donner ce qu’on espère, accuser le pouvoir de n’être pas ce qu’on voudrait, c’est se poser dans la position de l’esclave qui reconnaît son maître. Émancipons-nous du rapport si on ne peut s’affranchir du maître. Redevenons politiques. Pas seulement vis-à-vis d’un pouvoir qui, globalement et c’est sa nature, s’en fout. Mais aussi vis-à-vis de nous-mêmes. Dans nos vies. Attendre tout du pouvoir, c’est renoncer à changer nous-mêmes nos comportements. À choisir de les inscrire dans des allégeances qu’on critique ou de s’en défaire. Dans notre manière de vivre. Dans notre travail. Dans notre rapport à l’argent. Dans notre rapport à l’autre. Dans notre économie domestique, notre politique domestique. Dans nos ministères à nous, de l’Intérieur, de la Justice, des Finances ou des Affaires étrangères. Défaisons-nous et reconstituons-nous.
Le pouvoir politique n’est pas tout. La politique c’est nous, c’est chacun de nous, si on accepte de l’être. Gouvernons-nous nous-mêmes. Ce n’est pas les hommes politiques le problème, c’est notre propre mollesse. Notre propre lâcheté. Il est temps qu’elles cessent. Inventons notre système. Redevenons politiques. Ils ne le sont à notre place que parce qu’on les a laissé faire.
Dernier livre paru : Nom (Flammarion)
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