Une soirée à la Maison de la poésie le 11 mars, une anthologie et une exposition permettent de redécouvrir le poète disparu en 2004.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Les éditions POL rendent hommage au poète Christophe Tarkos, qui s’est éteint d’une tumeur au cerveau il y a presque vingt ans, en 2004. Né près de Marseille en 1963, Tarkos a écrit en une dizaine d’années une multitude de textes et avait fondé dans les années 1990 avec Nathalie Quintane la revue RR53.
Le livre publié aujourd’hui est un énorme recueil d’inédits, pensé à la fois comme un troisième tome de ses œuvres posthumes et comme le troisième lieu de l’exposition Tarkos poète, qui se tient actuellement à Marseille au Cipm et au Frac. En parallèle à cette publication une soirée lecture, Les indédits de Tarkos, est organisée ce vendredi 11 mars à la Maison de la Poésie, à Paris. Elle réunira Bertand Belin, Liliane Giraudon, Cécile Mainardi, Thierry Raynaud, Patrick Varetz et Laura Vazquez.
Conçu par le poète et musicologue David Christoffel et le critique et éditeur Alexandre Mare, qui sont aussi les co-commissaires de l’exposition à Marseille, Le Kilo et autres inédits rassemble des textes, dessins, calligrammes et correspondance conservés pour la plupart à l’IMEC (Institut mémoires de l’édition contemporaine) dans le fonds d’archives du poète. Il y a là des ébauches comme des projets très aboutis, ainsi Le Kilo qui a donné son titre au livre.
130 dessins
Ce matériau très dense et multiforme n’est pas classé par ordre chronologique. “Cela aurait été artificiel car imprécis, puisqu’un certain nombre de textes ne sont pas datés, explique David Christoffel. On a composé le chemin de fer du livre à partir des dessins, il y en a 130”. Car le livre, comme l’exposition, mettent principalement en évidence la relation entre écriture et dessin chez Tarkos. On sait, par une lettre qu’il a envoyée à Paul Otchakovsky-Laurens, fondateur et directeur de P.O.L jusqu’à sa disparition en 2018, que Tarkos voulait faire un livre uniquement composé de dessins, mais qui se serait intitulé Poèmes. Pour lui, dessiner n’est pas illustrer, c’est une pratique poétique, une autre forme d’écriture possible. Ce parti pris est visible en particulier dans des séries de phrases manuscrites, minimalistes, reproduites en fac-similé à l’intérieur du volume. Parfois dessin et texte manuscrit se mêlent sur une même page blanche. Ainsi le minuscule et magnifique mot “mer”, écrit sous un trait de plume horizontal. Tarkos propose une façon nouvelle de regarder l’écriture, où la composition sur la page est déjà une forme poétique. “Nous avons retrouvé certains textes qui ont plusieurs formes graphiques, souligne David Christoffel. Le changement de forme d’un texte est une maturation.” L’assemblage proposé dans Le Kilo et autres inédits donne la sensation de cheminer dans l’exploration formelle de Tarkos.
Déconstruire la langue
Reste la relation que le poète entretenait avec la langue, sa façon de remâcher les mots comme une tentative d’épuisement de différents sens et sonorités. On le voit, dans des textes-litanies comme Je n’aime pas que cela se dise ainsi, repousser les possibilités du langage, scruter des expressions figées pour mieux les déconstruire. Son travail sur les sonorités a souvent débouché sur une poésie faite pour être lue, lors de performances ou dans des enregistrements. On peut d’ailleurs retrouver sur Internet nombre d’interventions du poète. Là encore, David Christoffel prévient : “Il ne faut pas séparer les dessins, les poèmes, les performances. Les médias sont presque indifférents, il s’agit d’un même chantier porté avec des modes d’expression divers : performances, enregistrements, livres et revues.”
Toujours est-il que la poésie de Tarkos, dans ce qu’elle dit du monde, a marqué toute une génération. Le Kilo interroge le rapport à la norme, et en règle générale Tarkos exhorte à regarder ce qui n’a pas d’importance, pour reconsidérer l’échelle des valeurs. “C’est une question éthique sur le rapport au monde, remarque David Christoffel. Une volonté de dé-hiarchérisation. Par exemple, il n’y a jamais de nom propre dans ses textes, pour résister aux effets d’autorité des noms propres. C’est un détournement de ce qui, à l’intérieur de la langue, crée une hiérarchie.”
Et le travail de Tarkos peut être considéré comme politique à un autre niveau. Dans son exhortation joyeuse à se fondre dans le mouvement du monde, ce qui conduit à repenser la place du poète à l’intérieur de notre société.
Christophe Tarkos : Le Kilo et autres inédits. Édition établie par David Christoffel et Alexandre Mare (POL), 800 pages, 32 €
Tarkos Poète. Jusqu’au 15 mai à Marseille, au Cipm-Centre de la Vieille Charité et au FRAC-plateau expérimental
Les inédits de Tarkos. II. Avec Bertrand Belin, Liliane Giraudon, Cécile Mainardi, Thierry Raynaud, Patrick Varetz & Laura Vazquez. Maison de la Poésie, le 11 mars à 20h
{"type":"Banniere-Basse"}