Geste esthétique ou malhonnêteté intellectuelle, le plagiat est partout depuis quelques années. Nouvelle hype ?
De Marie Darrieussecq accusée de plagiat psychique à Joseph Macé-Scaron, de PPDA plagiaire d’une bio d’Hemingway au ministre allemand, Karl-Théodor Zu Guttenberg, plagiant des essais…, le plagiat est devenu plus qu’une récurrence : le nouveau mot fashion dans le milieu médiatique et littéraire, au point de créer des vocations (maman, plus tard, je veux être chasseur de plagiaires). Geste esthétique ou manque inadmissible à l’éthique, le mot « plagiat » éclate tous les trois mois dans les colonnes des mags.
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Récemment, une poignée d’auteurs, Valentine Goby, Véronique Ovaldé, Christian Garcin, Yves Pagès publiaient même (dans la revue Décapages) leur coming-out de plagiaires dans un dossier intitulé « J’avoue, j’ai plagié. Pas vous ? ». Le plagiat, nouvelle hype ? A force d’avoir les oreilles rebattues avec le plagiat par-ci et le plagiat par-là, nous-même, ces jours-ci, nous sommes retrouvé saisi de bouffées d’angoisse paranoïaque à la vue d’un article ressemblant un peu trop au nôtre, signé… on ne dira pas son nom, la personne en question, jouissant d’un joli petit pouvoir, risquerait de se retrouver ventilée façon puzzle (plagiat approximatif de Michel Audiard) par ses confrères qui récemment encore lui léchaient les souliers en lui trouvant du génie.
Et puis, qui nous dit que nous-même n’avons pas été tenté de plagier, quand par exemple nous nous apprêtions à acheter en cachette le même sac qu’une amie : plagiat vestimentaire, ça existe ? Si oui, alors qui d’Ali Baddou ou de David Foenkinos a commencé à plagier l’autre ? Rappelez-vous l’interplagiat capillaire, début 2000, des Frédéric Beigbeder, BHL, Christophe Ono-dit-Biot, et autre Charles Pépin…
Par ailleurs, on ne le dit pas assez, mais il faut bien reconnaître un talent au plagiaire : être fin lecteur. Car sachez que le mot plagiaire ne vient pas de « plage », et encore moins de « plagiste ». Non, le plagiaire ne se la coule pas douce, il lit les textes des autres et en repère les morceaux qui pourraient étayer son propos. Par exemple, aucun plagiaire n’a à ce jour balancé le mode d’emploi de sa machine à laver au beau milieu de son roman d’amour, juste au moment où Jonathan et ses tempes argentées frôlent le corps ruisselant (il pleut) de la blonde Héléna dont les pointes des seins se dressent sous son corsage de soie crème (sorte de plagiat d’un roman Harlequin collection « Rouge baiser », si elle existe encore…).
Vu comme ça, j’avoue être vexée que Joseph Macé-Scaron, garçon par ailleurs brillant, ait choisi de plagier Delphine Peras et pas moi. Qu’est-ce qu’elle a de plus que moi, Peras ? C’est dégueulasse… J’ai dit, c’est vraiment dégueulasse (plagiat baltringue de Godard). Et puis, est-ce que quelqu’un pourrait dire à ce monsieur Flaubert de cesser de plagier la vie amoureuse de ma cousine Berthe – elle vient de l’attaquer pour plagiat rétrospectif… On se souvient de cas de « vraies » gens attaquant les auteurs parce que se sentant « plagiés » pour leurs personnages.
D’ailleurs, Emmanuel Carrère n’aurait-il pas plagié la vie de Limonov pour son dernier livre ? Morgan Sportès, un fait divers ? Jean Rolin, son voyage à Los Angeles ? Et Christine Angot, sa propre vie ? Arrêtez, le plagiat est partout et ça file le tournis. D’ailleurs, chacun de nous ne passe-t-il pas sa vie à se plagier lui-même ? A moins que ça ne s’appelle une névrose de répétition (plagiat hyperspeed de Freud). Car comme disait Jonathan Coe, on a tellement appris de nos erreurs qu’à présent, on les réussit à la perfection. Mais là, je plagie Joseph Macé-Scaron citant (oui, je dis bien « citant ») l’écrivain anglais dans son dernier roman.
Nelly Kaprièlian
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