Dans un récit-miroir sur le thème de la double culture franco-libanaise, Zeina Abirached évoque son ancêtre, inventeur d’un nouvel instrument de musique dans le Beyrouth des années 50.
En 1959, Abdallah Kamanja, employé à la gare routière de Beyrouth, réalise enfin un rêve qui l’a obsédé de nombreuses années. Il vient de réussir à construire un piano jouant des quarts de ton, et donc des mélodies orientales – un instrument classique ne pouvant jouer que des demi-tons, base de la musique occidentale. Ajoutant à son bonheur, un fabriquant autrichien se montre intéressé par son invention…
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Avec Le Piano oriental, Zeina Abirached retrace de façon romancée le destin de son arrière-grand-père et cette passion qui l’occupa une grande partie de sa vie. Elle aurait pu le faire de façon linéaire, mais le jeune auteur d’origine libanaise a au contraire entrecroisé des bribes de son propre parcours à celui de son aïeul. Arrivée en France à l’âge de 23 ans, parlant à la fois français et arabe, Zeina Abirached raconte son rapport aux deux langues, sa vie entre deux cultures.
Maelstrom de sonorités
Les deux récits sont apparemment indépendants l’un de l’autre. Pourtant ils ne cessent de se frôler, se mêler, de se lier, dans un maelstrom de sonorités. Car Le Piano oriental est un livre qui résonne, où les onomatopées, les bruits – la musique, les échos d’un Beyrouth joyeux des années 40-50, les timbres du français et de l’arabe que parle Zeina, le crissement de chaussures ou de roulettes de valise sur le trottoir… – sont omniprésents. Le noir et blanc très tranché et les trouvailles graphiques évoquent irrésistiblement David B., et permettent de représenter à merveille tous ces sons. Zeina Abirached joue joliment avec la géométrie, les volutes, les spirales, les lignes – certaines façades se mettent à ressembler à des touches de clavier, le parquet ou les volets font penser à des portées.
Chez Zeina comme chez Abdallah, il est aussi beaucoup question de bagages que l’on fait et défait. On part de Beyrouth, on y revient, on se souvient. Abdallah fait un séjour en Europe pour vendre son piano oriental. Zeina retourne de temps en temps au Liban où elle retrouve de vieux souvenirs familiaux. Tout en subtilité, Le Piano oriental parle de mémoire, de recherche d’identité et de transmission culturelle. Ce lien entre Orient et Occident, que son aïeul a ébauché avec son piano, Zeina Abirached le sublime dans ce mélodieux récit.
Le Piano oriental (Casterman), 208 pages, 22 €
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