La parution du journal d’Alain révèle les relents antisémites qui imprégnaient la pensée du philosophe pacifiste et humaniste. Une “passion triste” sur laquelle s’interroge le déboulonneur en chef Michel Onfray.
« Alain est-il un astre mort? », s’interroge le chroniqueur du Monde, spécialiste de philosophie, Roger-Pol Droit. Dans un article récent, il taille un costard au philosophe. Légèrement oublié aujourd’hui, ce penseur et professeur (1868-1951) a été pourtant un personnage intellectuel important du siècle dernier, un symbole incarnant“l’humanisme républicain, la grandeur pédagogique, le bon sens cultivé et matois, la réflexion libre menant à la sagesse philosophique”.
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Venant de la “France profonde”, il est né à Mortagne-au-Perche dans l’Orne. il est devenu un enseignant respecté dans la prestigieuse classe de 1909 à 1933, sur la khâgne du lycée Henri-IV à Paris. C’est là qu’il formera des personnages comme Simone Weil, Raymond Aron, Georges Canguilhem, André Maurois, Julien Gracq, et bien d’autres, devenant une sorte de Socrate des temps modernes.
Hitler “un esprit moderne, un esprit invincible”
S’appuyant sur la publication de son journal inédit, qui couvre les douze dernières années de sa vie (de 1937 à 1950) et sur une étude critique de l’adepte de la “déboulonnomanie galopante” Michel Onfray, intitulée Solstice d’hiver. Alain, les juifs, Hitler et l’Occupation, Roger-Pol Droit révèle des aspects assez peu reluisants du personnage, sa fascination pour Hitler et ses tendances antisémites.
“Je voudrais bien, pour ma part, être débarrassé de l’antisémitisme, mais je n’y arrive point.”
Le 22 juillet 1940 Alain écrit dans son journal “J’espère que l’Allemand vaincra, car il ne faut pas que le genre de Gaulle l’emporte chez nous” , Hitler, dans Mein Kampf, traite de la “question juive” avec “une éloquence extraordinaire et une remarquable sincérité”, c’est “un esprit moderne, un esprit invincible”. Reconnaissant son antisémitisme comme une “passion triste” , il avoue “Je voudrais bien, pour ma part, être débarrassé de l’antisémitisme, mais je n’y arrive point.”
Une culture française ?
Peut-être faut-il chercher l’origine de ces pulsions morbides dans le pacifisme exacerbé d’Alain, qui malgré son horreur de la violence, s’est engagé à 46 ans dans les combats de 14-18 par fidélité à un serment et y voir l’ambiguïté du refus de la guerre chez les combattants de 1914-1918, obsédés par le “Plus jamais ça” et qui n’ont pas vu arriver le cataclysme du fascisme et du nazisme.
Roger-Pol Droit s’interroge, au-delà de la sénilité probable du penseur vieillissant (“la vieillesse est un naufrage”, comme disait de Gaulle) sur “la profonde composante antisémite qui imprègne la bonne culture française, même chez des gens supposés respectables”.
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