L’Australie, un vétéran du Vietnam, sa famille : en plein chaos, dans un continent sauvage, l’heure est aux choix. Un récit parfaitement maîtrisé de Josephine Rowe.
Partir ou rester. Dans son premier roman, Josephine Rowe ausculte ainsi le destin d’une famille où chaque membre est, sera ou a été confronté à un tel choix. Jack, vétéran australien du Vietnam, violent et imprévisible, abandonne femme et enfants. Les, son frère un peu étrange, s’était tranché les doigts pour ne pas aller au combat.
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Evelyn, la femme de Jack, était partie toute jeune de chez ses parents pour le suivre, espérant le sortir de ses démons avant de s’y enliser elle-même. Et leurs filles. Lani, l’adolescente rebelle, et Ruby, la petite, encore une enfant quand le roman débute en 1991. A quels choix de vie ont droit Lani et Ruby ?
La force de Josephine Rowe est d’avoir su s’approcher au plus près de ses personnages, en consacrant à chacun des formes narratives différentes. Jack est le narrateur de son chapitre, et ses phrases brèves, sèches, décousues, disent à elles seules tout son mal-être et son désespoir.
Un reflet de la diversité australienne, des villes modernes aux espaces sauvages
Lani, Les et Evelyn sont observés avec empathie. La plus intéressante est Ruby, qui ouvre et clôt le livre. Pour elle, la romancière a préféré le tutoiement, s’adressant directement à son personnage. Et toujours les dialogues, intégrés à la narration, nous plongent sans fard dans une brutalité que Josephine Rowe maîtrise parfaitement.
L’Australie n’est pas une simple toile de fond. La trajectoire de cette famille traverse le continent et peut être lue comme le symbole ou le symptôme de son histoire récente, avec les conséquences de son engagement auprès des Etats-Unis analysées par une jeune auteure – Joséphine Rowe est née en 1984.
On peut aussi voir dans ce roman le reflet de la diversité australienne, des villes modernes aux espaces sauvages, du Pacifique au désert, de la bourgeoisie aisée des parents d’Evelyn aux travailleurs pauvres comme Jack, tous rassemblés dans un continent vaste où les protagonistes se sentent pourtant enfermés.
Et Rowe sait également, sans donner dans la couleur locale, nous faire partager quelque chose de la nature encore inapprivoisée de son pays. Un invisible animal sauvage vient déchiqueter le chien de Ruby, un cachalot monstrueux s’échoue sur la côte, et ces évocations sont souvent d’une pure poésie : “Une masse d’oiseaux entretissés qui s’élèvent dans le ciel en même temps – comme une couverture qu’on secoue.” Sylvie Tanette
Le Musée des avenirs possibles de Josephine Rowe (Actes Sud), traduit de l’anglais (Australie) par Yoann Gentric, 208 p., 20,50 €
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