Le journaliste et écrivain allemand Maxim Leo compose un récit autour d’un imbroglio et de la réunification de son pays. Et se moque au passage des clichés sur la RDA.
En 2019, peu de temps avant le trentième anniversaire de la chute du Mur, Michael Hartung, citoyen du feu Berlin-Est, reçoit la visite d’un journaliste. Celui-ci a découvert qu’en 1983, Hartung, alors cheminot, a détourné un train pour l’envoyer à l’Ouest avec, à son bord, 127 passager·ères.
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En réalité, Hartung avait simplement détraqué l’aiguillage par inadvertance, mais le journaliste tient à sa belle histoire et Hartung tient à l’argent promis en échange de l’interview. Ni l’un ni l’autre ne prévoient l’emballement médiatique qui suivra. Maxim Leo construit ici un imbroglio très maîtrisé et très drôle. Dans leur course, vers une inévitable catastrophe, les deux acolytes entraînent d’autres protagonistes, chacun·e incarnant une problématique liée à la réunification de l’Allemagne.
Les interlocuteur·rices d’Hartung attendent qu’il leur serve un certain récit, sans écouter ce qu’il a à raconter
Né en 1970 à Berlin-Est, Leo avait 19 ans à la chute du Mur. Il a ensuite étudié les sciences politiques, est devenu journaliste puis écrivain. Ce texte est à relier aux précédents, aussi publiés chez Actes Sud. Là où nous sommes chez nous (2021) parlait de sa famille éparpillée en Europe et en Israël. Histoire d’un Allemand de l’Est (2010) racontait la vie de son grand-père.
Sous l’humour et la cocasserie, Maxim Leo continue à interroger l’histoire récente de son pays. Il observe la façon dont les Allemand·es de l’Ouest regardent ce qu’a été la vie à l’Est durant la Guerre froide, et met en scène la fabrique des mythologies modernes. Les interlocuteur·rices d’Hartung attendent qu’il leur serve un certain récit, sans écouter ce qu’il a à raconter. Ainsi le héros se lamente-t-il, en réfléchissant à toutes les célébrités, éditeur·rices, présentateur·rices télé, politicien·nes, cinéastes que l’aventure lui a permis de rencontrer : “Tous ces gens-là avaient deux choses en commun : ils venaient de l’Ouest et m’expliquaient l’Est.”
Le Héros de Berlin de Maxim Leo (Actes Sud), traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, 304 p., 22,70 €. En librairie.
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