Le trash et culte Dennis Cooper ajoute un chapitre à son œuvre hardcore : une nouvelle réflexion sur le pouvoir de subversion de la littérature.
Pendant une innocente partie d’action/vérité, le narrateur demande à son petit frère, Alphonse, quelle manière de mourir celui-ci choisirait. Le jeune garçon lui répond sans hésiter qu’il préférerait passer sous un rouleau compresseur. Quelques temps plus tard, après lui avoir caressé les cheveux pendant une séance de torture et de viol pédopornographique, le narrateur décide d’accéder au souhait de son cadet.
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N’ayant pas de rouleau compresseur sous la main, mais un tonneau “lourd comme du plomb”, il s’emploie, avec l’aide de deux acolytes, à écraser minutieusement le corps délicat de l’enfant évanoui. “La tête de mon frère n’avait pas de consistance,elle s’écroula en éclatant – les globes oculaires, les dents, la langue et des objets très abstraits jaillissaient hors de ses cavités et narines, ou défonçaient de nouveaux raccourcis là où ils en avaient besoin.”
SM, défonce, cannibalisme, inceste
Pape du gore et du hardcore, Dennis Cooper, l’écrivain le plus subversif des lettres US, revient en France après six ans de silence. Ici, comme dans son Cycle de Georges Miles ou dans son dernier roman traduit Salopes (P.O.L, 2007), Cooper décline jusqu’à la nausée les motifs obsessionnels qui ne cessent d’inspirer son œuvre amorale et inquiétante : SM, défonce, cannibalisme et inceste.
Car pour l’Américain, poète prolifique, la littérature est le lieu d’expression des fantasmes, des pulsions et des vices. La langue, elle, est le véhicule débridé des émotions. C’est encore plus explicite ici qu’ailleurs : le fol marbre du titre désigne une pratique du langage alambiquée, poisseuse et exaltée, que le narrateur a reçue en héritage de son père.
Le monstrueux sublimé
“Cette voix (…) créée avec un bonne part de sous-entendus hautains (…), un peu de l’argot rusé et irréfléchi qui nivelle par le bas les jeunes Américains, une bonne cuillerée de structure de phrase rigide difficile à prononcer (…), quelques reparties dogmatiques et collabo hollandaises, et d’autres ingrédients internationaux.” Cette langue avec laquelle le narrateur-chasseur hypnotise ses proies, mais surtout avec laquelle l’auteur sublime le monstrueux et écrit l’indicible.
Le Fol Marbre (P.O.L), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Elsa Boyer, 256 pages, 17 €
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