L’étrange roman historique d’Oscar Coop-Phane chronique le procès d’un cochon. Une fable pas si absurde qui évoque les thèses du « Surveiller et punir » de Foucault.
Aussi curieux que cela puisse paraître, au Moyen-Age, on jugeait les animaux. Et c’était très sérieux : on dressait des procès-verbaux, on enquêtait minutieusement. Ainsi, les bêtes pouvaient être condamnées à l’exécution, à l’excommunion ou à la prison ferme.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop","device":"desktop"}
Un vrai drame judiciaire
Un exemple célèbre du XVe siècle : des limaces excommuniées pour avoir ravagé les champs du diocèse d’Autun. Et si l’on intentait aussi des procès aux taureaux, aux vaches ou aux chèvres, les poursuites les plus courantes concernaient des porcs. A l’époque, les bêtes circulaient librement dans les rues et les attaques étaient courantes.
Le Procès du cochon, cinquième roman du toujours surprenant Oscar Coop-Phane, est inspiré de l’une de ces affaires. L’auteur, trentenaire, raconte en quatre actes le drame judiciaire d’un temps reculé : un monstre à “la peau durcie”, aux “grandes dents sales”, au “souffle qui pue la terre mouillée” visite le jardin d’une petite maison blanche. Dans un couffin, un nourrisson braille pour appeler sa mère. La bête attirée par les cris s’approche et d’un coup de crocs arrache les joues, l’épaule et la vie.
Le cochon pendu
Arrêté, emprisonné, le cochon est conduit au prétoire. A la manière d’un greffier omniscient, Coop-Phane décrit alors les parties en présence. Il convoque à la barre la famille éplorée, le commissaire débonnaire, les jurés zélés, et l’avocat de l’accusé. “On ne l’a jamais rendu digne – et maintenant, on l’estime digne d’être jugé !” plaide ce dernier sans y croire. Rien n’y fait, la bête est envoyée à l’échafaud où elle est suppliciée avec du plomb fondu avant d’être pendue.
De porc, il a beaucoup été question ces derniers temps. La maison Grasset ne s’y est pas trompée d’ailleurs, concluant l’argumentaire du livre d’un astucieux : “Chacun reconnaîtra dans l’animal le porc qu’il voudra.” Mais l’allégorie basse du museau nous paraît un peu réductrice ici. On a plutôt envie de lire dans cette fiction historique, aussi kafkaïenne que foucaldienne, une réflexion maline et plus vaste sur notre époque et son système judiciaire. Une étude, entamée déjà dans le précédent opus de l’auteur, Mâcher la poussière (2017), sur la manière dont la société surveille, juge et condamne ceux qui s’écartent de la norme. Cochon qui s’en dédit !
Le Procès du cochon (Grasset), 128 p., 12 €
{"type":"Banniere-Basse","device":"desktop"}