Dans son nouveau livre, l’écrivain revient sur l’attaque terroriste dont il a été victime, il y a deux ans. Un texte fondamental, dans lequel l’auteur fait des choix radicaux mais salvateurs.
Si Le Couteau est l’un des livres les plus attendus de l’année, c’est parce que Salman Rushdie y fait le récit de l’attaque terroriste (12 coups de couteau !) dont il a été victime le 12 août 2022 dans l’État de New York. Nous rendrons compte de ce texte important la semaine prochaine, à sa sortie le 18 avril. Pour patienter, il faut lire son entretien dans le dernier numéro de La Nouvelle Revue française (NRF) : “Sa version des faits intéresse désormais la justice américaine : son récit est devenu une preuve potentielle, nous apprend Olivia Gesbert, qui l’interviewe. Le procès de l’homme accusé d’avoir poignardé l’auteur a été reporté en raison de la publication prochaine de l’ouvrage.”
Le livre comme preuve, c’est là que réside la foi même de Rushdie en l’écriture. Car l’une des premières victimes de toute forme de guerre, remarque-t-il, c’est la vérité : “Nous vivons une époque où, pour de multiples raisons, la question de la vérité est attaquée de toutes parts. […] L’objectif de la littérature est la vérité, même dans l’histoire la plus fantastique jamais racontée. Le but du mensonge, lui, est d’obscurcir la vérité. Si l’un et l’autre ont l’air de se ressembler, ils sont en fait opposés.” Dans Le Couteau, il y a “je” et il y a “il”, son agresseur : “Je ne voulais pas l’appeler par son nom. Pour Andy Warhol, chacun obtient ses ‘quinze minutes de gloire’. Lui, ses vingt-sept secondes sont écoulées, il peut retourner à l’anonymat.”
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Acte de résistance
Trente-cinq ans après la fatwa, Salman Rushdie pensait que rien ne pouvait plus lui arriver. Il a eu tort. “Jusqu’à présent, il [le XXIe siècle, ndlr] est pire que le vingtième siècle. On a l’impression que c’est le siècle d’un retour en arrière vers des mondes dont je pensais que nous les avions quittés pour toujours. Je n’ai jamais pensé que l’extrémisme religieux reviendrait au cœur de l’histoire. […] Nous devons faire face à un monde qui connaît de nouveau la guerre, où le risque de conflit est omniprésent. Ici même, les États-Unis ne semblent plus très loin de la guerre civile…”
Rushdie donnera de très rares interviews à la sortie du Couteau. On peut s’étonner de la bizarrerie qu’il y a à offrir la primeur de son premier entretien à son propre éditeur (Gallimard), et cela, bien avant la presse. L’autre bizarrerie – ou même : véritable contresens politique – imposée par son agent Andrew Wylie, c’est d’avoir organisé le lancement de ce texte comme celui d’un (vulgaire) best-seller. Ayant failli être empêchée à force d’intimidations, de tentatives d’éradication, jusqu’au passage à l’acte et la tentative d’assassinat, la parole de l’écrivain est devenue le symbole de la liberté d’expression. Celle-ci devrait donc être diffusée à grande échelle, comme un acte de résistance, et non pas se retrouver, assez ironiquement, limitée, cette fois par les lois du commerce et l’appât du gain.
Le Couteau, Gallimard. Sortie mondiale le 18 avril.
La Nouvelle Revue française, n° 657 (printemps 2024), Gallimard, 192 pages, 20 euros.
Édito initialement paru dans la newsletter Livres du 11 avril. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
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