Pourquoi “American Dirt”, son très bon roman, est-il l’objet d’une polémique comme on n’en avait pas vu depuis des décennies?
Sur le fond, American Dirt a certes de quoi interpeller l’Amérique. Les épreuves du personnage, cette libraire de Mexico obligée de fuir aux Etats-Unis car menacée de mort par le cartel sur lequel son mari enquêtait, racontent l’histoire peu reluisante d’une immigration forcée, violente, dramatique.
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L’autrice, Jeanine Cummins fut d’ailleurs d’abord critiquée par les conservateurs pour son portrait peu flatteur des autorités états-uniennes. Mais c’est sur autre chose qu’elle fut violemment prise à partie, de tous les côtés : le fait qu’elle ne soit pas assez mexicaine, pas assez latino. “Trop blanche”, lui tombèrent dessus d’éminents critiques, du New York Times à CNN. Elle aurait péché par “appropriation culturelle”, cet étrange défaut qui consiste à se mettre dans la peau d’un·e autre, à “profiter” du malheur d’une minorité dont on ne ferait pas partie.
Mais n’est-il pas absurde de parler d’appropriation culturelle en matière de littérature, le roman étant précisément cette tentative de s’imaginer à la place d’autrui ?
Cummins a dû s’excuser, rappeler qu’elle avait des origines portoricaines par son grand-père, expliquer qu’elle aurait préféré qu’un·e écrivain·e “100 % chicano ou latino”, ce groupe sous-représenté dans la littérature US, rencontre ce succès, plutôt qu’elle. Mais n’est-il pas absurde de parler d’appropriation culturelle en matière de littérature, le roman étant précisément cette tentative de s’imaginer à la place d’autrui ? Ce qui compte le plus : il s’agit d’un excellent livre.
American Dirt (Philippe Rey), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Françoise Adelstain et Christine Auché, 544 p., 23 €
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