Dans “L’art et l’argent”, un livre collectif dirigé par Nathalie Quintane et Jean-Pierre Cometti, artistes, étudiant·es en école d’art ou chercheur·euses analysent les liens de plus en plus ténus entre le monde de l’art et les logiques néolibérales.
“La seule alternative à l’art : non pas le refus de l’art, ni l’anti-art, ni la dialectique, fût-elle négative, mais le réinvestissement du politique, abandonné à lui-même et au désert social. Soustraire l’art à l’art et à sa contamination de et par la culture propre à la sphère esthético-marchande.” Ce paragraphe issu du prologue de la réédition augmentée de L’art et l’argent (éd. Amsterdam, première parution en 2017) résume bien le propos de ce livre passionnant dirigé par l’écrivaine et poète Nathalie Quintane et le professeur de philosophie et d’esthétique Jean-Pierre Cometti (décédé en 2016).
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Introduction de dynamiques managériales dans le monde de la culture, spéculation sur les œuvres d’art, liens de plus en plus étroits entre le marché de l’art et celui du luxe… L’art et l’argent retrace en neuf contributions – écrites par des artistes, des étudiant·es d’école d’art récemment diplômé·es, une historienne de l’art, une curatrice indépendante… – les “solidarités que l’art a nouées avec l’argent et le nouveau capitalisme”, “l’évolution des prix sur le marché de l’art (étant) concomitante des écarts qui se sont creusés entre riches et pauvres” au sein de la société dans son ensemble. Des solidarités qui, selon Jean-Pierre Cometti, ont des conséquences délétères en ce qu’elles phagocytent la fonction critique de l’art : “L’autonomie artistique dont nos discours se sont nourris, et se nourrissent encore inopportunément, peut désormais apparaître pour ce qu’elle est : une mascarade que nul ne peut plus prendre au sérieux.”
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Paupérisation
Un phénomène qui coïncide en outre avec la paupérisation croissante d’un “prolartariat créatif dont la masse est paradoxalement de plus en plus nombreuse”, alors que, dans le même temps, les fondations privées dirigées par des multimilliardaires font payer l’entrée de leurs établissements “10 à 14€ par tête”… en faisant passer cela pour un “cadeau” gracieusement offert au public (un “cadeau” qui, pour Nathalie Quintane, ne relève en fait que de “l’aumône”). D’où les deux pistes esquissées par le collectif afin de remettre en cause cet état de fait : la nécessité d’une mobilisation “de classe” de ce même prolartariat, et l’instauration d’un “équivalent de taxe Tobin” sur les transactions artistiques élevées, et ce, “à des fins de redistribution plus égalitaire”.
L’art et l’argent, dirigé par Nathalie Quintane et Jean-Pierre Cometti, éd. Amsterdam/Les Prairies ordinaires, 240 p, 12€
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