Après “Ma cruauté”, François Bégaudeau signe “L’Amour”, un roman de 96 pages où le sentiment amoureux est remplacé par de la sociologie de bas étage.
Alors que nombre d’écrivain·es de la rentrée montrent combien l’amour peut être complexe, interrogent la position de chacun·e face à l’autre dans le couple, François Bégaudeau s’est mis en tête de nous prouver que l’amour peut être simple. D’ailleurs, “simple” semble être le meilleur des adjectifs pour définir toute l’entreprise. De son format (moins de cent pages) à son titre, tout simple : L’Amour. Quant à l’écriture, elle est simple à l’envi. Au hasard p. 46 et 47 : “Pour cesser de psychoter Jacques s’occupe”, et “l’arrivée de la pièce montée clôt l’incident”.
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Ce qui est sûr, c’est qu’on ne psychote pas des masses chez Bégaudeau, et qu’il suffit d’une pièce montée – ou d’une tarte, c’est selon – pour clore toutes sortes d’incidents. Parce que c’est bien simple : Jeanne et Jacques s’aiment, se marient, passent leur vie ensemble, s’agacent un peu, mais au final s’aiment. Ah si, quand même, Jacques la trompe à un moment, mais tout est pardonné. Pourquoi psychoter, en effet ?
Comme un fleuve tranquille
L’amour, chez Bégaudeau, file comme un fleuve tranquille, voire est plat comme une limande. Il faut quand même saluer sa prouesse : être parvenu à écrire un roman d’amour sans sentiments, sans émotions, sans jalousie, sans doute, sans désespoir, sans névroses, sans même un peu de joie. Et ça, il fallait le faire. C’est qu’il les a remplacés par une foule de signes sociologiques. Parce qu’on est chez des gens simples, ma bonne dame. Et que chez les gens simples, on s’aime simplement, pas comme chez les tordu·es de la bourgeoisie intello.
Tous les accessoires de la petite middle-class sont convoqués jusqu’à la caricature – à l’inévitable apparition du mot “camping car”, on a envie de hurler. En privant ses personnages “simples” de psychologie tout en les réduisant à de la sociologie, François Bégaudeau signe l’un des romans les plus condescendants de la rentrée.
Édito initialement paru dans la newsletter Livres du 7 septembre. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
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