La juriste Marcela Iacub s’apprête à publier un livre, « La Belle et la bête », sur la relation de sept mois qu’elle a entretenue avec DSK en 2012. En janvier 2012, avant que cette liaison ne commence, elle prenait la défense de l’homme politique dans son livre « Une société de violeurs ? ». Un essai qui se voulait subversif mais oscillait entre fantasmes et manipulations.
En bonne place entre Fukushima et la mort de Ben Laden dans les classements de fin d’année, l’affaire DSK a clairement marqué 2011, générant une multitude d’articles, d’éditos, de débats et de livres, de la confession de Tristane Banon aux inepties pathétiques d’Ivan Levaï en passant par la pseudo-enquête de Michel Taubmann ou l’imbécile et nauséabond roman autoédité de Marc-Edouard Nabe. Sans être madame Soleil, on peut déjà prédire que cette histoire continuera à alimenter l’édition et la machine à fantasmes en 2012.
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Conclusions aberrantes
Pour preuve, Une société de violeurs ?, le nouvel essai de la juriste Marcela Iacub, connue pour ses prises de position iconoclastes, dans ses livres – Le crime était presque sexuel, Confessions d’une mangeuse de viande – ou ses chroniques pour Libération. Une pensée à contre-courant, à rebours de la doxa et du politiquement correct qui s’avère parfois pertinente et stimulante. Mais Marcela Iacub a fait du contrepied un systématisme, pour ne pas dire une posture.
A vouloir se distinguer à tout prix des idées prétendues majoritaires, il lui arrive de faire preuve de malhonnêteté intellectuelle et de mauvaise foi pour étayer des propos que, pour certains, Eric Zemmour ne renierait pas, et de tirer des conclusions aberrantes. Dans Une société de violeurs ?, écrit « dans la stupeur suscitée par les interprétations (…) entendues après l’annonce des poursuites pénales contre DSK », Marcela Iacub cherche en fait à régler leur compte aux féministes.
Le viol, « pouvoir suprême » des femmes ?
Selon elle, les mouvements féministes voudraient profiter de l’affaire du Sofitel et de l’émoi que l’abandon des poursuites aurait engendré pour sacraliser la parole de la victime et élargir arbitrairement la notion de viol. Par haine des hommes et volonté de vengeance, ces amazones robespierristes inaugureraient ainsi un régime de « Terreur », dans lequel les femmes pourraient porter plainte pour viol sans que leur parole soit remise en cause et ainsi envoyer des milliers d’innocents en prison. Conclusion hallucinante : le viol deviendrait le « pouvoir suprême » des femmes.
Pour en arriver là, Iacub ne cesse de caricaturer et tordre les discours auxquels elle s’oppose, d’asséner des faits sans les démontrer, avec une prédilection pour les arguments d’autorité du type « On sait que… » Elle se défend de vouloir « relativiser l’importance du viol ». Pourtant, à force d’envisager froidement ce crime comme un concept qu’elle peut manipuler à sa guise pour servir sa rhétorique, elle le vide de toute substance, l’expurge de sa douloureuse réalité.
Marcela Iacub redoute une criminalisation généralisée de la sexualité et la fin de la révolution des moeurs des années 70. C’est en effet un danger mais ce ne sont sûrement pas les féministes, hormis une poignée d’intégristes, ni ceux qui combattent le viol, qui le font courir. Le risque vient de politiques irresponsables, adeptes du court-termisme, qui donnent dans la surenchère répressive. C’est plutôt sur ce sujet qu’on aimerait entendre Marcela Iacub.
Elisabeth Philippe
Une société de violeurs ? – DSK, la justice américaine et les femmes en France (Fayard), 138 pages, 14 euros
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