Durant un an, Mathieu Sapin a joué au petit reporter dans les coulisses du palais de l’Elysée. Il en tire un récit où son regard singulier et son sens du détail font merveille.
Depuis son album sur le tournage du film de Joann Sfar, Gainsbourg, vie héroïque, Mathieu Sapin a pris goût au reportage BD. Et après avoir croqué les coulisses de Libération puis celles de la campagne présidentielle de François Hollande, raconter l’Elysée de l’intérieur lui apparaissait comme une suite logique.
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Entre juillet 2013 et juin 2014, il a donc endossé son costume de petit reporter (mocassins et costume Lycra, précise-t-il). Bénéficiant d’un statut à part – ni journaliste, ni portraitiste officiel, ni simple visiteur – et armé de son air le plus inoffensif, Mathieu Sapin s’est fondu dans le décor et s’est faufilé dans tout le Château. Alors qu’à l’origine il souhaitait uniquement parler du lieu, il a fini par se glisser dans des rendez-vous officiels et voyages d’Etat.
Avec son œil doué pour repérer les détails tordus, son humour pince-sans-rire, sa fausse naïveté, et sans jamais prendre parti, Mathieu Sapin relève les petites particularités du protocole, les paniques de dernière minute, le jargon, les codes à respecter, et décrit la vie à l’Elysée dans toute sa théâtralité, sa dramaturgie. On assiste ainsi à des ballets chorégraphiés – la préparation des réceptions du président chinois et de la reine d’Angleterre –, à des cérémonies minutées. On fait des rencontres inhabituelles, comme le commandant militaire de l’Elysée, qui entraîne Mathieu à la manipulation du sabre dans un dojo dissimulé en sous-sol, ou encore un membre des services de sécurité, qui explique que Hollande “en a rien à foutre” de la valise de protection en kevlar.
Un digne pendant élyséen à « Quai d’Orsay »
Mathieu Sapin dresse un portrait en creux du Président, n’évoquant que ce qu’il voit et n’entrant donc pas dans les détails de sa vie privée ou de la politique du pays. Il vit souvent les événements – l’arrivée de Manuel Valls comme Premier ministre par exemple – au milieu des journalistes politiques, dont il tire un portrait particulièrement acide. Alors qu’il admet se laisser parfois prendre au jeu comme eux (un déplacement surprise et il n’était pas au courant ? catastrophe !), il n’hésite pas à les égratigner, montrant leur omniprésence, leurs excitations parfois futiles, leurs sarcasmes, leur avidité de confidences de la part des collaborateurs.
Courts chapitres dynamiques, personnages plus vrais que nature, jolies astuces de mise en scène (les soporifiques vœux du Président au personnel illustrés par une visite des œuvres d’art de l’Elysée), Le Château est une plongée rythmée et vivante dans les arcanes compassés et complexes du pouvoir, et un digne pendant élyséen à Quai d’Orsay.
Le Château – Une année dans les coulisses de l’Elysée (Dargaud), 134 pages, 19,99 €
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