Deux enfants survivent après la fin du monde avec leur père, qui refuse de les instruire. L’Italien Gipi signe un récit personnel sur la mémoire, l’écrit et l’idée de transmission.
La Terre des fils se déroule dans un monde postapocalyptique détruit par une catastrophe dont on ne saura rien. La nature est menaçante, un lac charrie des cadavres et, bien qu’apparemment peu nombreux, les humains sont dangereux, à l’image d’une troupe de fous habitant une usine désaffectée qui chassent, violent et tuent sans sourciller. Dans cet univers où règnent l’inculture, la barbarie et la méfiance, un père élève avec dureté ses deux garçons.
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Leur existence est misérable, ils survivent en vendant des peaux de chiens. Le père consigne sans cesse des choses dans un carnet que les enfants, illettrés, ne peuvent déchiffrer et qu’ils imaginent en rapport avec eux, avec leur mère dont ils ne se souviennent pas. Ils ne comprennent pas ce père brutal qui refuse de les instruire – ils ignorent que son but est de les protéger, pour qu’ils n’aient pas, comme lui, de regrets sur la vie d’avant la catastrophe. Ils s’affranchiront de lui mais ce sera pourtant sa prévoyance qui leur permettra de survivre.
Une langue indéchiffrable
Avec ce récit d’anticipation à la narration classique, l’auteur italien Gipi livre un travail toujours aussi personnel et prenant. Son style sec et son trait aride en noir et blanc dépeignent à merveille ce monde désolé, désertique et angoissant, où rien de bon ne semble subsister.
Gipi continue à traiter, avec justesse, certains de ses sujets de prédilection – l’étude des relations humaines, le rapport filial, le passage à l’âge adulte. Mais à travers les luttes de ces deux enfants et leur volonté de découvrir le passé, c’est aussi le rôle essentiel de la mémoire, de l’écrit et de la transmission des connaissances qu’il explore.
Son écriture même s’adapte au récit : la langue dont il dote les deux enfants est étrange, hésitante, rudimentaire, comme simplifiée. Les pages du carnet du père demeurent indéchiffrables pour le lecteur, placé dans la même situation d’incompréhension et de frustration que les enfants. Une façon frappante de rappeler l’importance de préserver l’éducation et la culture dans des temps troublés.
La Terre des fils (Futuropolis), traduit de l’italien par Hélène Dauniol-Remaud, 288 pages, 23 €
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