Le héraut du néomanga Yûichi Yokoyama livre avec La Salle de la mappemonde un récit fait de bruit, de vitesse et de violence. Fascinant.
Plasticien ayant délaissé la peinture pour le manga, Yûichi Yokoyama est l’unique représentant d’un genre qu’il a inventé, le néomanga. Expérimentaux et abstraits, ses albums mettent en scène des hommes à tête et costume de robot, circulant, pour des motivations indéfinies, dans des paysages mécanisés.
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Les progressions des personnages, les trajets, les avancements de construction tiennent lieu d’intrigue. Yokoyama utilise systématiquement la géométrie, les formes et les structures pour construire ces récits extrêmement formels et malgré tout palpitants. La Salle de la mappemonde est fidèle à ces principes.
En route vers une destination mystérieuse, trois personnages masqués, aux vêtements hyperstylisés empruntant autant aux superhéros qu’aux Power Rangers, arrivent dans une ville où se succèdent autochtones hostiles mais néanmoins obligeants, avions en rase-motte et bolides bruyants. Ils atteignent enfin une étrange demeure où jardins et lacs le disputent à des pièces truffées de matériel technologique…
Une ville dangereuse
La Salle de la mappemonde est “une bande dessinée où personne ne sourit. Les protagonistes sont constamment sur leurs gardes”, explique l’auteur dans sa postface. Non seulement ils ne sourient pas mais, derrière leur inexpressivité, ils montrent effectivement de la méfiance, voire de l’agressivité.
La ville, d’abord dépeinte par de larges plans panoramiques, et qui se résume ensuite à ses moyens de transport, paraît dangereuse. La maison aussi semble menaçante, avec ses écrans de surveillance, son propriétaire armé et sa bibliothèque remplie de livres dont les sujets surgissent brutalement des pages.
Des cases vibrantes
Le sentiment d’insécurité est amplifié par l’utilisation d’onomatopées – en japonais –, certes habituelle chez Yokoyama mais qui est ici outrée. Ces katakanas remplissent les cases, qui en deviennent ultrachargées, vibrantes. Ici, le bruit et la vitesse sont omniprésents, et dégagent une grande violence.
Que cherchent nos trois héros, d’où vient cette tension constante ? Sans aucun doute le plus angoissant et le plus noir de tous les albums de Yûichi Yokoyama, ce polar métaphysique n’offre pas de réponse : il se termine sur un cliffhanger qui sera (peut-être) expliqué dans le prochain volume de cette série qui devrait en compter quatre.
La Salle de la mappemonde (Editions Matière), traduit du japonais par Céline Bruel, 184 pages, 19 €
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