Elena Ferrante prendra-t-elle en France ? Phénomène à l’étranger, cette romancière sous pseudo raconte l’Italie des sixties via la vie de deux femmes du peuple.
Après avoir envahi l’Italie en 2011, puis pris d’assaut l’Amérique en 2012, le virus Elena Ferrante, écrivaine mystère dissimulée derrière un pseudonyme, est en passe de s’installer en France. Après une fausse alerte il y a quatre ans, quand Gallimard publia dans une semi-indifférence L’Amie prodigieuse, premier volume de cette quadrilogie napolitaine, la parution du deuxième tome devrait marquer le début officiel de l’épidémie.
Bonne nouvelle, ce “page turner” n’est pas une histoire de zombies ou de serial-killer. La saga italienne de Ferrante est une simple histoire d’amitié féminine, au fort pouvoir de fascination.
L’Italie des années 1960
Dans un quartier populaire de Naples, Lena et Lila grandissent coude à coude. Sur les bancs de l’école, Lena est aussi besogneuse que Lila est brillante, aussi appliquée que Lila est inspirée. A l’adolescence, la première – narratrice et donc voix officielle de l’histoire – décide de poursuivre des études, mettant toutes ses forces à sortir de son pauvre milieu par le savoir, quand la seconde choisit la séduction, et fait à 16 ans un “bon” mariage avec l’épicier du quartier.
Le tout se déroule dans l’Italie des années 1960, une Italie où les gamins du peuple grandissent en parlant le “dialecte” (l’italien étant réservé à l’élite), une Italie où les femmes sont élevées dans l’idée “qu’un parent, un fiancé ou un mari pouvaient nous donner des claques quand ils voulaient, par amour, pour nous éduquer ou nous rééduquer”.
Roman social et fresque
Au-delà d’un formidable récit d’amitié entre deux femmes, où la rivalité sert souvent de carburant, où rien ne se fait sans l’aval des hommes (les brutes qui vous rabaissent, les éclairés qui vous tendent la main), Le Nouveau Nom est un roman social, une fresque qui ne cesse de se demander quel est le prix à payer pour quitter son milieu.
Doit-on laisser derrière soi ses racines comme on se débarrasse d’une vieille mue ? Comment garder le contact quand le savoir écrase les ignorants, et isole pernicieusement les instruits ? Dans une langue simple, prenant son temps sans jamais donner l’impression de le perdre, Elena Ferrante tisse une toile complexe qui ne cesse de gagner en profondeur.
Le Nouveau Nom (Gallimard), traduit de l’italien par Elsa Damien, 554 pages, 23,50 €
et aussi L’Amie prodigieuse (Folio), traduit de l’italien par Elsa Damien, 448 pages, 7,99 €