Cinquième roman de la Britannique Nina Allan, La Fracture se déploie comme une hypothèse merveilleuse : celle de l’existence d’univers parallèles, semblables au nôtre.
Le 16 juillet 1994, dans la région de Manchester, Julie Rouane, 17 ans, prétexte un rendez-vous avec une copine pour s’absenter du domicile familial et disparaître. Avis de disparition, enquête, battues : impossible de retrouver la jeune fille ni son corps.
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Thèse officielle : une nouvelle victime du tueur en série qui sévit dans la région. Un soir, vingt ans plus tard, Julie refait surface à l’improviste auprès de sa sœur Serena. Mais est-ce vraiment Julie, cette personne lunaire et son secret invraisemblable ?
Bizarre, mélancolique et féerique
Le nouveau roman de la Britannique Nina Allan, cette immense écrivaine de littérature fantastique, est complètement happant. Bizarre, mélancolique, féerique comme les quatre précédents.
On y retrouve ce style singulier, qui tient autant de Nabokov (auquel elle a consacré une thèse, « Folie, mort et maladie dans les romans de Vladimir Nabokov ») que du grand écrivain de science-fiction et maître de la fiction spéculative Christopher Priest.
Ce livre avance ses hypothèses pas à pas, comme une araignée tisse sa toile, fil après fil, pour la refermer dans les dernières pages sur le lecteur. L’écriture même devient spéculation, possibilité, à saisir ou à réfuter.
La thèse officielle ne fait pas sens, quelque chose de plus étrange, anormal s’est passé ce soir d’été 1994. Sa sœur le sent, son père le sent, qui lit et relit les lettres qu’il reçoit d’inconnus lui donnant leur avis sur l’affaire, à la recherche, le pauvre homme, de “ce lien vital, cette recherche arachnéenne entre l’imagination et la réalité”.
Troublant d’une façon métaphysique et ontologique
Un livre un peu effrayant, à en hérisser les poils dans certains passages dignes du meilleur Stephen King. Troublant d’une façon métaphysique et ontologique, cet univers parallèle dans lequel Julie semble être tombée prisonnière pendant toutes ces années.
Si beau, complexe, vraisemblable qu’on le soupçonnerait presque d’exister réellement, comme si l’autrice avait pu le scruter, à l’image des récits d’explorateurs du XIXe siècle.
Cette Fracture au beau milieu du réel et de l’espace-temps bascule ainsi dans une forme de science-fiction azimovienne, nourrie sans doute par les découvertes les plus récentes de la physique quantique, qui suggère l’existence probable d’univers parallèles, copies du nôtre dans lesquels d’autres versions de nous-mêmes évolueraient.
La Fracture (Tristram), traduit de l’anglais par Bernard Sigaud, 404 p., 23,90 €
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