Publié deux mois avant les révolutions de mai, un roman étonnant de modernité.
“Un homme qui tue pour vous, c’est embêtant, mais c’est assez flatteur pour une femme.” Le 27 mars 1968, sur un plateau de l’ORTF, venue parler de son septième roman Le Garde du cœur, Françoise Sagan entretient son propre mythe. Elle dit des choses tout à la fois charmantes et monstrueuses. Bien loin de Nanterre et du mouvement étudiant qui embrasera le printemps français, la romancière fume et parle de Santa Monica, de paillettes, de LSD, d’amour et de cadavres.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Elle a imaginé la cruelle histoire de Dorothy Seymour et de l’incandescent Lewis. Elle, 45 ans, est scénariste à Hollywood, mariée trois fois et amatrice de whisky sec. Lui, beau comme un loup et défoncé comme un âne, s’est jeté sous les roues de la Jaguar qui ramenait la dame chez elle à 150 km/h. D’un coup de frein, l’amant au volant a esquivé l’ombre et précipité tout le monde dans le fossé. Personne n’est mort, mais le garçon est touché à la jambe.
La scénariste décide d’installer le jeune blessé dans sa maison. Commence alors entre la quadra et l’inquiétant Lewis une relation platonique mais fusionnelle à mort. Littéralement. Si à Paris, la révolution sociale, culturelle et sexuelle n’en est qu’à ses balbutiements, chez Sagan elle est déjà actée. Presque anachronique de modernité, son héroïne baise, boit et bosse. Elle est indépendante, frivole et amorale. Belle, inquiète et cultivée aussi. Bref, elle est libre et n’a pas attendu Cohn-Bendit pour le devenir.
{"type":"Banniere-Basse"}