Le polar comme entreprise familiale ? Avec la sortie simultanée des derniers Higgins Clark mère & fille, le roman policier à la maman s’offre un lifting vendeur.
L’un des clichés bien amarrés au polar est d’en attribuer la paternité à une femme, si possible âgée, qui écrirait ses romans sur une vieille machine à écrire en sirotant un verre de cherry. A 83 ans, Mary Higgins Clark n’est pas pour rien dans cette légende : auteur d’une cinquantaine de livres, presque tous des best-sellers, cette vieille dame aux airs de sucre est à la tête d’un petit empire américain de l’édition. Un royaume de scénarios scabreux et éminemment vendables, sur lequel la reine mère du roman à suspense n’est plus la seule à régner.
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La sortie de L’Ombre de ton sourire, polar taillé pour la plage, se voit ainsi doublée de celle de Au voleur !, le quinzième roman de Carol Higgins Clark. La fille aînée de Mary écrit dorénavant ses propres histoires, après plusieurs tentatives à quatre mains centrées sur les fêtes de fin d’année (Le Voleur de Noël, Le Mystère de Noël, Trois jours avant Noël).
A partir de là, difficile de ne pas imaginer les conversations à table entre mère et fille (“Maman, qu’est-ce que je choisis entre un meurtre à l’arme blanche et une mort par strangulation ? – Les deux, chérie, on n’en fait jamais trop.”), voire entre belle-mère et belle-fille – Mary Jane Clark ayant rejoint le même secteur d’activité.
Le dollar est au centre des intrigues
Existe-il donc un gène Colonel Moutarde ? Carol est-elle tombée petite dans la marmite maternelle, comme Obélix dans la potion magique ? Ou faut-il surtout voir dans ce mimétisme une filiation par l’argent ? Là-dessus, au moins, les deux romancières sont raccords : le dollar est au centre de leurs intrigues respectives. Mary opte pour le crime sur fond de gros héritage familial, tandis que Carol met en scène une détective privée (Regan Reilly) enquêtant sur le vol d’une copieuse somme d’argent.
Côté ambiance, les deux parentes divergent fatalement : si la doyenne du polar affectionne les milieux huppés de Manhattan, ces intérieurs bourgeois où les assassins se glissent pour étouffer dans leur sommeil les vieilles dames pleines aux as, Carol est plus “West Coast” : ses personnages frayent dans le petit Hollywood des coiffeurs, manucures et “wannabee” du cinéma – antithèses des héros de Mary, tous plus ou moins à l’article de la mort (flic à la retraite, vieilles dames alitées, etc.).
Plus jeunes, plus cool, plus chick-litt : les romans de Carol exploitent l’enseigne “Higgins Clark”, tout en lui redonnant un sérieux coup de peinture. A voir les sourires épanouis des romancières au dos de leurs livres, cet échange de bons procédés semble se faire dans une belle harmonie familiale…
A moins qu’on se prenne à lire entre les lignes… Page 274 de Au voleur ! : une actrice pousse un ponte de la production, vieillard millionnaire et radin, dans la piscine. KO. Quant à Mary Higgins Clark, elle ne fantasme rien de moins que l’exploitation abusive de l’héritage d’un riche inventeur scientifique par sa famille. “L’ombre de ton sourire” – indeed.
MARY HIGGINS CLARK L’Ombre de ton sourire (Albin Michel), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anne Damour, 418 pages, 22,50 €
CAROL HIGGINS CLARK Au voleur ! (Albin Michel), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Michel Ganstel, 294 pages, 19,50 €
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