Dans un pays où les homosexuels sont pourchassés, un homme raconte son calvaire. Le second roman de l’auteur égyptien Mohammed Abdelnabi, entre violence et lumière.
Seul dans une minuscule chambre d’hôtel, un homme écrit. Des mois auparavant, Hani a été arrêté lors d’une rafle. Des policiers sillonnaient Le Caire à la recherche d’homosexuels et il a été jeté dans un cachot avec un ami. Celui-ci a été libéré car il appartient à une famille riche et influente. Le narrateur est resté enfermé et rien ne lui a été épargné, ni les coups ni les humiliations. Lorsque, enfin, il a été libéré, il est sorti tellement brisé de cet enfer qu’il en avait perdu l’usage de la parole. Depuis, il couche sur le papier le chagrin de toute une vie.
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Inspiré d’un fait divers
Le roman a été écrit en référence à un fait divers réel : un soir de mai 2001 au Caire, la police a fait irruption dans une boîte de nuit et arrêté une cinquantaine d’hommes, gays ou présumés tels. En s’emparant d’un tel sujet, Mohammed Abdelnabi signe un livre politique. Il ne cache rien de la corruption de la police ni de la violence terrifiante qui est infligée à son narrateur. De façon plus générale, il dénonce l’hypocrisie d’une société traditionnelle entièrement préoccupée de la sauvegarde des apparences.
La vie de Hani a été tout entière marquée par la souffrance, le mensonge, la honte, l’angoisse, et il témoigne avec pudeur : il n’a pas choisi sa différence mais ne peut que constater qu’elle a toujours été là. Ce livre regorge aussi de moments lumineux.
Une histoire universelle
De très belles pages sont consacrées à sa rencontre avec Abdelaziz, l’homme dont il est éperdument amoureux, mais aussi à sa découverte émue de la paternité, lors de la naissance de sa fille, miracle inattendu donné à un homme qui s’est marié par convenance.
Tout l’art de Mohammed Abdelnabi, dont c’est le premier roman traduit en français, est d’avoir su transformer un événement lié à un lieu en une histoire universelle. Cet homme privé de voix qui écrit tout seul dans la nuit porte sur ses épaules tout le malheur de ceux qui, partout dans le monde, ne peuvent vivre leur sexualité librement.
La Chambre de l’araignée (Actes Sud), traduit de l’arabe (Egypte) par Gilles Gauthier, 320 p., 22,50 €
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