Si la bande dessinée s’est frayé un chemin jusqu’aux cimaises des musées, ses formes les plus artistiques peinent à faire leur place sur le marché. Sous la marée des blockbusters de papier, gardons un œil disponible pour des créations plus rares.
Depuis hier, la plus grande opération consacrée à la bande dessinée par une institution muséale française – mondiale ? – a ouvert au Centre Pompidou. Événementielle, La BD à tous les étages a bénéficié de circonstances favorables – le projet de rénovation du Centre repoussé d’un an, il a fallu remplir le vide en matière de programmation –, mais témoigne d’une vraie volonté politique.
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Une légitimité bien assise
Commissaire de l’exposition du 5e étage, Contrepoints, qui fait dialoguer chefs-d’œuvre de l’art contemporain et planches dessinées, Anne Lemonnier affirme : “Cette question de la légitimité de la BD est acquise, derrière nous.” Et de citer l’arrivée du scénariste Benoît Peeters au Collège de France, l’intégration de la dessinatrice Catherine Meurisse à l’Académie des beaux-arts, puis de son collègue Emmanuel Guibert. Oui, les institutions culturelles reconnaissent la bande dessinée. Cette acceptation s’explique en partie par le poids financier du 9e art. Il y a trois ans, un dessin d’Hergé a été vendu aux enchères pour la somme de 3,2 millions d’euros.
Protéger la production indépendante
En librairie, les ventes de bandes dessinées restent impressionnantes. En 2023, 75 millions d’exemplaires tous genres confondus se sont écoulés, soit 1,4 million par semaine. Mais ce résultat global cache d’énormes disparités entre les blockbusters patrimoniaux et les romans graphiques plus exigeants et personnels. En avril dernier, lors du festival BD à Bastia, l’éditeur Julien Magnani alertait sur les dangers actuels de la surproduction – 5 000 BD sont mises en vente chaque année. Lui qui publie cinq titres par an pointait du doigt le rôle des majors de la BD qui, avec 20 à 30 livres certains mois, saturent les rayons des librairies et invisibilisent la production indépendante.
La maison d’édition nantaise Ici Même, à la ligne éditoriale précieuse, a été sauvée il y a peu après avoir communiqué sur son besoin rapide de trésorerie. Cette mésaventure menace d’autres maisons aux finances fragiles. S’opèrera-t-il un jour une régulation face à cette surproduction ? 2024, une année sans Astérix et ses 1,5 million d’exemplaires, permettra peut-être d’y voir plus clair.
Édito initialement paru dans la newsletter Livres du 30 mai 2024. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
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