Scénariste pour Resnais, prix Pulitzer et dessinateur de presse, il rend hommage aux romans et films noirs des années 1940 avec grâce.
Jules Feiffer, 89 ans, a de nombreuses cordes à son arc. Scénariste (I Want to Go Home d’Alain Resnais, Ce plaisir qu’on dit charnel de Mike Nichols…), écrivain (Harry, salaud avec les femmes), auteur de livres pour enfants, dramaturge, il est aussi un auteur de BD et un dessinateur de presse reconnu – il a reçu le Pulitzer en 1986 pour son travail dans le Village Voice. En 2014, il publiait Kill My Mother, son second roman graphique, trente-cinq ans après le premier (Tantrum).
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Dédicacé, entre autres, à Dashiell Hammett et Billy Wilder
Avec Kill My Mother, Jules Feiffer revisite le polar des années 1940, lui qui a débuté sa carrière comme assistant de Will Eisner sur Le Spirit. Hommage aux œuvres qui ont compté dans sa jeunesse, Kill My Mother est dédicacé, entre autres, à Dashiell Hammett, Raymond Chandler, James M. Cain, John Huston, Billy Wilder et Howard Hawks. L’action se déroule dans les coulisses d’Hollywood et met en scène une galerie de femmes plus ou moins vénéneuses, sur fond de rivalités mères-filles.
En 1933, une jeune femme, Elsie, travaille pour un privé, espérant ainsi découvrir l’assassin de son mari. Sa vie et celle de sa fille Annie, une vraie sauvageonne, vont être bouleversées le jour où une mystérieuse blonde lance le détective sur les traces d’une femme disparue.
Complexe mais souligné par un dessin fluide
Complexe mais solidement construit, Kill My Mother est composé de courts chapitres dont les trames finissent par se rejoindre. Trahisons, fausses identités et secrets de famille forment le socle d’une intrigue où s’enchaînent les rebondissements. Tout en respectant les stéréotypes du roman et du film noirs (belle fille ambiguë, privé blasé…), Jules Feiffer les modernise, notamment grâce à ses personnages féminins.
Bonnes ou mauvaises, ces femmes sont des héroïnes pleines de ressources. Elles mènent la danse, ce que Jules Feiffer représente à merveille grâce à son trait gracile où transparaît son expérience de dessinateur de presse dans la veine de Sempé ou Saul Steinberg.
Son dessin fluide souligné de lavis aux couleurs froides, sa maîtrise du mouvement, la souplesse de sa mise en page donnent une légèreté inattendue à ce récit certes noir mais d’une fraîcheur toute juvénile. Anne-Claire Norot
Kill My Mother (Actes Sud BD), traduit de l’anglais (E.-U.) par Wladimir Anselme, 160 p., 25 €
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