C’est grâce à un documentaire sur des opposants au régime de Bachar al-Assad réfugiés à Douma que Justine Augier découvre, en 2014, l’existence de Razan Zaitouneh, avocate spécialisée dans la défense des prisonniers politiques devenue une figure de la révolution syrienne. Cette femme maigre, “épuisée mais animée d’une énergie puissante, nerveuse”, crève l’écran. Elle ne parle qu’une […]
Une enquête bouleversante sur Razan Zaitouneh, avocate syrienne de prisonniers politiques enlevée par des intégristes.
C’est grâce à un documentaire sur des opposants au régime de Bachar al-Assad réfugiés à Douma que Justine Augier découvre, en 2014, l’existence de Razan Zaitouneh, avocate spécialisée dans la défense des prisonniers politiques devenue une figure de la révolution syrienne. Cette femme maigre, “épuisée mais animée d’une énergie puissante, nerveuse”, crève l’écran.
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Elle ne parle qu’une fois, pour demander à celui qui tient la caméra d’arrêter de la filmer : “Je ne plaisante pas”, ajoute-t-elle, cinglante. Quelques semaines plus tard, fin 2013, Zaitouneh sera enlevée par des intégristes islamistes avec trois de ses compagnons de lutte. On est, depuis, sans nouvelles d’elle.
Des rencontres perilleuses
Justine Augier, qui habite Beyrouth, vient alors de renoncer à ses engagements humanitaires pour se consacrer à l’écriture. Une tâche qu’elle estime pourtant vaine, au regard du drame qui se précise à quelques kilomètres de là. Alors, l’auteure décide de partir sur les traces de l’avocate syrienne. Une enquête dont elle assume d’emblée la dimension obsessionnelle et quasi vouée à l’échec.
Elle aborde son sujet avec l’honnêteté et l’humilité qu’il requiert, le portrait de son héroïne se dessinant au gré de rencontres parfois périlleuses : la famille, les proches, certains de ses ennemis, ceux que l’on soupçonne d’avoir trahi Zaitouneh.
Avec l’aide de hackers
Ayant déjà mené divers types d’enquêtes pour l’ONU, Augier sait comment s’immiscer au cœur de groupes et de communautés a priori hostiles. Elle se lie à des hackers pour accéder aux conversations privées de l’avocate, enfouies dans les arcanes du web. Elle raconte sa double vie, la clandestinité, la pseudonymie comme dernier rempart pour s’exprimer librement.
Les fausses accusations qu’elle dût apprendre à ignorer, la peur qu’on tâche d’instiller pour qu’elle finisse par se censurer. La colère enfin, ce piège “qui vient quand il n’y a plus de moyen de se délester de l’amertume qui s’infiltre, use, étouffe l’ardeur et entrave la lucidité”. Entre Asli Erdogan et Emmanuel Carrère, un livre important, juste et courageux.
De l’ardeur (Actes Sud), 320 pages, 21,80 €
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