A travers deux journées de juin, à quarante ans d’intervalle, le Néerlandais Gerbrand Bakker met en scène une histoire familiale. Et ausculte les tensions d’un peuple.
Aperte de vue, l’infinie platitude des polders : des lignes droites désertes, digues et routes écrasées par l’étouffante chaleur de juin, canaux remplis d’eau où, selon la légende, se cache le croquemitaine. Gerbrand Bakker va transformer ces lieux désolés en un vaste champ d’action littéraire.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Au milieu de nulle part, un village. Quelques habitants sont coincés là, qui s’ennuient et s’épient. La famille Kaan, par exemple. Des paysans, les Kaan, dont la ferme tombe en ruine. Ils se sont réunis en ce jour de juin. Le vieux Zeeger tourne en rond, pendant que la vieille Anna boit. Leurs trois fils adultes s’évitent sans se le dire.
Entre eux tous flotte une douleur dont ils ne parleront pas
Comment relier aujourd’hui Klaas, qui doit reprendre la ferme, Jan, le citadin qui n’est là que pour la journée, et Johan, le handicapé ? Entre eux tous flotte une douleur dont ils ne parleront pas. Car ce jour de juin à l’aspect si banal est en fait très particulier. Il y a quarante ans exactement, la délicieuse petite Hanne, qui avait 2 ans à l’époque, est morte tragiquement.
C’était pourtant un jour de fête. La reine, en visite dans la région, devait s’arrêter devant la polderhuis, l’imposante bâtisse qui trône au centre du village. Le bourgmestre tenait à l’accueillir dignement avec un bouquet de fleurs offert par des enfants endimanchés. La reine n’est pas restée longtemps dans cet endroit austère et n’a rien su du drame qui s’est joué juste après son départ.
Après Là-haut, tout est calme et Le Détour, Gerbrand Bakker creuse encore une fois une histoire familiale encombrée de silences. L’auteur y ajoute de la colère. Les grands de ce monde n’ont pas idée de ce qu’endure le peuple, tout comme la reine qui ne fait que passer. Et c’est avec une grande maîtrise qu’il confronte, à travers deux journées de juin à quarante ans de distance, des personnages qui ne peuvent que se croiser.
Juin (Gallimard), traduit du néerlandais par Françoise Antoine, 336 pages, 22 €
{"type":"Banniere-Basse"}