Les membres de la famille de “Bienvenue au club” reprennent du service. Des émeutes de 2011 au Brexit.
Ecrivain prolifique, Jonathan Coe s’est fait le chroniqueur de l’Angleterre contemporaine depuis Testament à l’anglaise. Ce qu’il a confirmé avec Bienvenue au club (2001) et Le Cerle fermé (2004), saga qui mêle avec ingéniosité les aventures des Trotter, une famille typique de la middle class anglaise, au destin d’une nation – certains membres de la famille étant mêlés aux affaires du pays, travaillant l’un pour le gouvernement, l’autre pour un grand quotidien.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Aucune nécessité pourtant d’avoir lu ces précédents romans pour apprécier le dernier tome de ce qui forme désormais une trilogie, Coe ayant la courtoisie de décrire ses protagonistes comme si le lecteur ne les connaissait pas.
Un troisième tome à la mélodie douce-amère
Le Cœur de l’Angleterre s’ouvre sur les funérailles de la matriarche de la famille Trotter, une occasion pour les frères et sœur désormais quinquagénaires de se retrouver et de dresser, par effet de miroir, le bilan de leurs existences.
Fidèle à son style, Coe lie habilement les déboires des uns et des autres aux événements qui marquent le pays durant cette décennie, des émeutes urbaines de 2011 jusqu’au Brexit, en passant par les JO de 2012. Sauf qu’à la question “comment en est-on arrivé là ?”, il répond autant par l’analyse des faits proprement politiques que par un faisceau de micro-événements, une façon de retranscrire l’état d’esprit d’une époque, cette manière dont un pays peut cheminer doucement, inexorablement, vers le populisme.
L’ironie et la verve propres à l’auteur sont toujours là, de même que cette ambition, un peu anachronique mais somme toute passionnante, très XIXe siècle, d’écrire en romancier l’histoire de son pays, presque année par année, à l’image des grands romanciers “feuilletonnants” (Balzac, Stendhal…).
Mieux, dans ce dernier tome, Coe ne se cache plus si souvent, comme dans les deux précédents, derrière le point de vue du narrateur omniscient, sarcastique et distant. Il se met bien plus à nu, laissant s’exprimer pleinement ce qui fait son charme unique, cette grande sensibilité qui lui avait inspiré des pages splendides dans un livre précédent, peut-être son meilleur à ce jour, La Pluie, avant qu’elle tombe (2007).
Cette sensibilité se traduit en une mélodie douce-amère qu’en musicien averti Coe fait parfois entendre derrière les frasques de ses héros dérisoires.
Le Cœur de l’Angleterre (Gallimard), traduit de l’anglais par Josée Kamoun, 560 p., 23 €
{"type":"Banniere-Basse"}