Entre traité de zoologie et mémoires personnels, une éblouissante fresque bucolique à Corfou signée Gerald Durrell.
C’est le roman estival par excellence, à lire sous un pin odorant, lové dans une crique secrète sur une île du bout du monde… Car dans la Trilogie de Corfou, il est principalement question de nature, d’animaux et parfois d’être humains, comme en témoignent ses deux premiers tomes, Ma famille et autres animaux et Oiseaux, bêtes et grandes personnes, parus respectivement en Angleterre en 1956 et 1969. Sorti dix ans plus tard, Le Jardin des dieux, troisième volet resté inédit en France, prolonge et clôt magnifiquement cette fresque hédoniste.
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Gerald Durrell y relate son enfance à Corfou, où il est installé depuis 1935 avec sa famille, entraînée par son frère aîné, Lawrence Durrell. Si ce dernier, auteur du Quatuor d’Alexandrie, n’a pas été bouleversé par cette période (il le sera davantage par ses années en Egypte, où il ancre son oeuvre majeure), son cadet, alors âgé de 12 ans, en sera marqué à vie : il découvre sa vocation de naturaliste, métier qu’il exercera en Angleterre, notamment à la télévision, et sur l’île de Jersey, où il ouvrira un zoo en 1958.
Entre exploration et extase bucolique
Le Jardin des dieux est un roman hybride mêlant souvenirs d’enfance et traité de zoologie, autobiographie et écrits encyclopédiques proches de Buffon. Armé de son filet à papillons, cet éminent scientifique en culottes courtes explorela faune et la flore de l’île, toujours tenté de ramener quelque espèce bizarre à sa mère qui s’arrache les cheveux. Ainsi, non content de posséder une collection de rapaces, quatre chiens et une ânesse capricieuse prénommée Sally, le garçon finit par constituer une véritable ménagerie : chiots, poulets, hirondelles, bélier, bébé hibou, araignée et ses oeufs qu’il passe des heures à observer dans une cage aménagée dans sa chambre.
L’étape fastidieuse de la capture de bestioles alterne avec des parenthèses d’extase bucolique, sur fond de vie de famille aux nombreux épisodes cocasses: les visites impromptues d’un prince et son harem, d’un couple d’artistes américains, d’un fakir ou du roi de Grèce donnent lieu à une série de sketches savoureux et parfois très folkloriques auxquels prend part, à son corps défendant, toute la famille Durrell. Une comédie familialo-zoologique solaire et charmante.
Emily Barnett
Le Jardin des dieux, troisième tome de la Trilogie de Corfou (la Table ronde), traduit de l’anglais par Cécile Arnaud, 304 pages, 14€.
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