L’attentat raté du Petit-Clamart contre de Gaulle revisité façon farce par Bruno Heitz, dans une bande dessinée faussement légère.
« Histoire et vérité”, vaste programme, auquel Simenon répliquait : “Tout est vrai sans que rien ne soit exact.” Le romancier évoquait alors Pedigree, livre unique dans une œuvre essentiellement policière, autobiographie à la troisième personne destinée à son fils et entamée à la suite du diagnostic d’un médecin lui pronostiquant deux ans de sursis.
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Pourquoi convoquer l’anecdotique Simenon et non, par exemple, le plus approprié Paul Ricœur, pour rebondir sur le sujet ? Tout simplement parce que c’est le choix de Bruno Heitz lui-même, alors qu’il entre dans la danse philosophique par la petite porte de la farce en bande dessinée. Si Heitz cite le père de Maigret en ouverture et le parodie en conclusion lors d’un dialogue savoureux, c’est que cela doit avoir un sens.
[attachment id=298]J’ai pas tué de Gaulle mais ça a bien failli… est donc une réécriture de l’histoire, entre burlesque et tragique, abritant dans ses réinterprétations comme dans le choix précis de ses références toute une portée artistique. Heitz prétexte les mésaventures d’un certain Jean-Paul, campagnard monté à la capitale afin d’effacer son passé de délinquant mais aussitôt rattrapé par les petites arnaques, pour plonger dans les méandres du dernier coup d’Etat de l’histoire de France, signant également la dernière condamnation à mort par les armes.
Les références avérées pleuvent, souvent tournées en dérision, tel le fameux “A terre, père” qu’aurait tonné le beau-fils du Général lors de la fusillade, ou encore le “Cette fois-là, c’était tangent, ces gens-là tirent comme des cochons”, prononcé par de Gaulle à la vue des impacts de balles sur sa Citroën DS. Or, d’autres incidents, et pas des moindres, sont réinterprétés à dessein : “Charlotte Corday” n’est plus le nom de l’opération mais celui d’un café dans lequel a bien failli périr Jean-Paul, et l’instigateur de ce complot s’appelle désormais Fabien, ingénieur marié et père de deux enfants.
Respect pour un fusillé dont le nom est changé, ridicule des citations figées dans le marbre de l’histoire, image d’un France-Soir titrant sur l’attentat et recouvert de pommes de terre, de pelures et d’un épluche-légumes… Et tout est dit de cette fausse légèreté qui consiste chez Heitz à regarder le monde avec beaucoup de tendresse mais sans jamais faire l’impasse sur sa médiocrité.
J’ai pas tué de Gaulle mais ça a bien failli… (Gallimard), 118 pages, 17 €
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