Lorsque l’on arrive dans cette grande brasserie pour voyageurs chic qu’est le Train Bleu (gare de Lyon à Paris, au deuxième étage), Golshifteh Farahani est en train de poser pour le photographe des Inrocks, devant deux types absolument stupéfaits qui nous demandent : “Hé c’est qui ?” On leur explique en vitesse qu’elle est l’héroïne […]
Lorsque l’on arrive dans cette grande brasserie pour voyageurs chic qu’est le Train Bleu (gare de Lyon à Paris, au deuxième étage), Golshifteh Farahani est en train de poser pour le photographe des Inrocks, devant deux types absolument stupéfaits qui nous demandent : “Hé c’est qui ?” On leur explique en vitesse qu’elle est l’héroïne du dernier film d’Atiq Rahimi, Syngué sabour – Pierre de patience d’après le livre écrit par le même Atiq Rahimi, et récompensé par le prix Goncourt en 2008. Les deux types acquiescent du menton, genre “ah, ouais, gros niveau”, et lorsque Golshifteh Farahani se retourne, votre ami journaliste se retrouve seul face à la jeune femme de 29 ans.
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Il est presque 17 heures et l’actrice iranienne revient de Suisse, de Zurich plus exactement, où elle vient d’assister à la représentation de la dernière pièce de Luc Bondy. Golshifteh Farahani est tout le temps sur la route : quelques jours avant cette rencontre, son attachée de presse nous confiait ceci : “Golshifteh, je crois qu’à chaque fois que je lui parle au téléphone, elle est dans une gare ou un aéroport.” Lorsqu’on lui relate cette discussion, l’actrice s’amuse, tout en avalant le petit chocolat qui va avec le café de son intervieweur. Elle dit que Paris c’est chez elle aujourd’hui, même si elle n’y passe qu’un mois et demi par an :
“Maximum, hein. Je ne cesse de voyager depuis que j’ai quitté l’Iran. Je suis partie parce que j’étais une actrice installée, on m’envoyait cinquante scénarios par an, j’en choisissais deux et tout allait bien. Ce qui me paraissait bizarre, c’est que les réalisateurs iraniens s’exportaient mais jamais les acteurs – et encore moins les actrices. J’ai décidé qu’il fallait changer ça. C’était l’occasion de prouver que les actrices iraniennes n’étaient pas nées avec un foulard sur la tête, et qu’elles avaient des cheveux”, note Golshifteh Farahani dans un éclat de rire.
Manque de bol, le foulard, elle le porte encore un peu beaucoup dans Syngué sabour, mais elle songe aussi à tourner, un jour ou l’autre, une comédie. C’est Ridley Scott, pour qui elle a tourné dans Mensonges d’État en 2008, aux côtés de Leonardo DiCaprio, qui lui a dit qu’elle était faite pour ça. “Mais les gens n’arrivent pas à y croire, j’ai l’image d’une actrice triste. Je crois que je porte ça sur mon visage.”
A-t-elle vu la performance de son ex-collègue Leo dans le Django Unchained de Tarantino ? “Non je ne l’ai pas vu, mais c’est un acteur incroyable. Il est tellement sérieux au boulot, à tel point que ça le rend un peu fou. Mais moi aussi je suis limite folle.” Juste après cette interview, et après quelques jours à Paris, Golshifteh Farahani partira pour l’Amérique. Là-bas, elle interprétera une pièce en persan, à Los Angeles, puis elle jouera Antigone en anglais, à New York. Et du théâtre en France ? On lui rappelle qu’on la trouvait formidable dans un court métrage de Louis Garrel, La Règle de trois, où elle donnait la réplique à Vincent Macaigne, l’un des metteurs en scène les plus doués de sa génération. “Il faut que la porte s’ouvre”, dit-elle avec humilité. Il est presque 18 heures, Golshifteh Farahani ramasse son sac de voyage. “Bon, à bientôt alors, mais je ne sais pas où”, dit-elle. Juste avant qu’elle nous quitte, on lui demande s’il y a un objet qu’elle emporte toujours avec elle. Réponse immédiate : “Un petit instrument de musique suisse, un hang. Là je l’ai laissé à Paris, mais je vais l’emmener avec moi en Amérique. Il est très beau mais assez lourd. »
Syngué sabour – Pierre de patience d’Atiq Rahimi, en salle le 20 février
Pierre Siankowski
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