Aujourd’hui, le philosophe et écrivain Jean-Jacques Rousseau aurait 300 ans. Alors que le Panthéon s’apprête à le célébrer à travers une exposition qui commence demain, nous avons décidé de lui rendre un tout autre hommage, en appelant tous les Jean-Jacques Rousseau qui figurent dans l’annuaire. Ou presque.
Ils sont 172 homonymes de Jean-Jacques Rousseau. Au moins ! N’oublions pas tous ceux qui n’ont pas souhaité confier leur précieux numéro au bottin. Et parmi les 172 Jean-Jacques Rousseau de l’annuaire, il y en a certains qui auraient préféré ne pas y apparaître, particulièrement aujourd’hui. Ou ne pas être chez eux, pour ne pas avoir à me répondre.
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Parce que pour les 300 ans du philosophe des Lumières, j’ai décidé d’appeler tous ses homonymes. Un par un, même pas découragée par les 12 pages d’adresses et numéros de téléphone. En fait si, j’ai arrêté avant la fin. Entre ceux qui ne décrochaient pas, ceux qui n’avaient pas du tout la tête à discuter un peu et celles qui m’annonçaient que j’arrivais trop tard, que leur Jean-Jacques Rousseau à elle « n’était plus là« , qu’il était « parti rejoindre l’autre« , je me suis dit qu’une bonne trentaine de Jean-Jacques Rousseau ferait déjà l’affaire.
« Ce n’est pas moi »
Le Jean-Jacques Rousseau du XXIe siècle n’aime pas tellement être dérangé. « Je ne vais pas perdre mon temps avec vous, plus personne ne connaît Jean-Jacques Rousseau. » Si Si, Monsieur Rousseau, je vous assure que si. Je n’aurais jamais dû dire ça, Jean-Jacques Rousseau, l’ancien employer municipal, le retraité viennois, s’est fortement agacé, jusqu’à dire un peu n’importe quoi :
« Les caissières plaisantaient autrefois avec mon nom. Mais c’était quand il y avait encore des chèques et quand les caissières avaient au moins le baccalauréat. Les gens n’ont plus aucune culture, à part SMS et sudoku, salut ! »
Au moins l’échange fut bref. Pas comme avec l’autre Jean-Jacques Rousseau, le « conducteur d’engins » de Seine-Maritime, qui m’a d’ailleurs prise très au sérieux.
« Je ne suis pas celui que vous cherchez, je ne suis pas très connu vous savez. Le vrai Jean-Jacques Rousseau, ce n’est pas moi. Il est mort depuis longtemps et je ne l’ai pas connu. »
Il m’a même passé sa femme, très fière de son mari. « Il faut que vous regardiez le journal d’aujourd’hui, il y a un article sur lui. S’appeler Jean-Jacques Rousseau, c’est une belle aventure. » Une autre madame Rousseau en a aussi profité pour faire l’éloge de son époux. »Mon Jean-Jacques n’est pas n’importe qui non plus. Il est brillant comme l’autre, ce nom lui va très bien. »
« Grâce au grand bonhomme »
Le Jean-Jacques Rousseau qu’on peut encore avoir au téléphone aujourd’hui a parfois un portable. Il peut même être motard, comme Jean-Jacques Rousseau, l’ancien informaticien de l’Aisne. Et très bavard.
« C’est plutôt un avantage dans la vie. Les gens sourient et ça peut même aider. Mes dossiers administratifs sont toujours traités en priorité parce que mon nom interpelle. Récemment, la sécurité sociale a perdu mon dossier. Il a vite été retrouvé, grâce à Jean-Jacques Rousseau. Grâce au grand bonhomme encore, les douaniers sont toujours très sympa avec moi. Ils doivent penser que j’ai un lien de parenté avec le vrai. »
Pour d’autres, porter le nom d’un intellectuel de renom a été un peu plus embarrassant. « Je ne suis pas du tout littéraire. A l’école, je me faisais chambrer parce que j’étais le plus nul en français. Ça m’a doublement complexé. » Mais ce Jean-Jacques là s’en est remis : « de toute façon, je n’ai rien à voir avec lui. Je travaille dans la métallurgie et je n’ai même pas lu tous les livres de Rousseau« .
C’est aussi ce que disent la plupart des Madame Rousseau. « Nous n’avons pas étudié toute son œuvre. » Vraiment ? Il fallait aussi que je vous dise que chez les Jean-Jacques Rousseau d’aujourd’hui, c’est madame qui répond. D’abord méfiantes (« pourquoi vous voulez parler à mon mari ?« , « c’est de la part de qui ?« ), les épouses Rousseau vont le chercher à l’autre bout de la maison. Et en passant, elles baissent le volume de la télévision.
Et comme il met un moment à arriver, elles reprennent le combiné pour dire des choses… étranges. « C’est peut-être ses parents qui ont voulu l’appeler comme ça » ou alors « c’est son grand-père qui a dû vouloir faire une blague« .
La compagne de Monsieur Rousseau, celui qui travaillait chez Vuitton en tant que mécanicien, en a même profité pour se livrer. « Sa mère voulait qu’il s’appelle Jean et son père préférait Jacques. De toute façon, ils ne connaissaient même pas Jean-Jacques Rousseau, j’en suis sûre. Et puis vous savez, je ne sais pas tout, je suis loin d’être sa première femme !«
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