Sur fond d’accident de montagne, un ancien militant d’extrême gauche affronte un jeune magistrat.
Voilà tout un pan de l’histoire italienne qui surgit derrière un banal accident de montagne, le jeune magistrat en est persuadé. Plutôt qu’à un accident, il pense avoir affaire à un meurtre lié aux “années de plomb”. L’homme âgé devant lui est un ancien militant d’extrême gauche, tout comme le mort retrouvé au fond d’un ravin, mais celui-ci avait dans le temps trahi ses camarades et provoqué leur incarcération. Face au magistrat, l’accusé se défend : il n’a tué personne. Sa présence en montagne le même jour que le traître relève du hasard.
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Depuis les années 1970, Erri De Luca n’a jamais cessé de militer et de se battre contre ce qui lui paraît injuste. Il y a cinq ans, l’écrivain napolitain a comparu devant la justice italienne qui lui reprochait d’avoir soutenu des sabotages contre le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin. On l’a vu aussi prêter main-forte à une ONG dans une opération de sauvetage de migrants en Méditerranée.
Ainsi, ce court texte, rappelant l’époque des attentats commis par l’extrême gauche et examinant aujourd’hui la notion d’engagement politique, prend une allure de testament. Il est aussi très représentatif d’un style concis caractéristique de l’auteur de Montedidio et de l’ampleur philosophique de son travail romanesque.
A travers leurs échanges ce sont deux générations qui s’affrontent, deux conceptions radicalement opposées de ce que doivent être les lois qui régissent une société
Ici, tout repose sur la capacité de chaque personnage à prendre l’ascendant sur son interlocuteur, uniquement par ses paroles et la force de son raisonnement. L’activiste défait l’argumentaire du magistrat avec méthode et détermination. Compte tenu de son jeune âge, ce magistrat pourrait être son fils, et à travers leurs échanges ce sont deux générations qui s’affrontent, deux conceptions radicalement opposées de ce que doivent être les lois qui régissent une société.
“Le monde s’est retourné comme un gant. Ce XXe siècle est un temps si périmé qu’il est incompréhensible pour ceux qui sont venus après”, constate le vieux militant. Entre les âpres séances d’interrogatoire, l’accusé rejoint la cellule où il a été placé à l’isolement. Seul, il rédige à l’intention d’une lointaine femme aimée une longue lettre qu’il n’enverra pas. Dans cette lumineuse confession apparaît un idéal de relations humaines fondées sur la confiance, la liberté et le respect.
Impossible d’Erri De Luca (Gallimard), traduit de l’italien par Danièle Valin, 176 p., 16,50 €
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