Des féminités sexuées, perturbées, souvent abusées… L’écrivaine argentine utilisait le gothique façon MeToo mais bien avant MeToo, dans ce recueil fascinant paru en 2009.
Une entité vit dans un hôtel, elle peut prendre d’autres formes, comme celle d’un enfant mort pour apparaître aux yeux de sa mère, épouvantée. Est-elle un fantôme ? Ça n’est jamais dit. Quand elle voit arriver Elina, une jeune femme de 31 ans, elle sait que ce sera elle – pourquoi, ça n’est jamais dit non plus.
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Elina est désespérée, encore accro à son ex Pablo, mais surtout, elle a été victime d’un viol dont le traumatisme l’a empêchée de vivre cette relation de façon heureuse. Seule, elle plonge dans l’automutilation.
Si “Le Mirador” est la meilleure des nouvelles horrifiques de Mariana Enriquez, dont nous avions aimé Notre part de nuit, le grand roman gothique et politique paru en 2021, c’est grâce à son tour de force narratif : qui parle ? Qui pense ? Est-on dans un cerveau malade ?
Elle est la seule à s’imposer comme la digne héritière d’écrivaines telles Shirley Jackson
Avec ses antihéroïnes sorcières, jalouses, perverses, perturbées, malheureuses, parfois monstrueuses, Enriquez use du gothique pour mettre en scène des féminités dérangées, obsédées (les longues scènes de masturbation de “Où es-tu mon cœur ?” jusqu’à la brûlure, le sang, puis l’envie de meurtre).
Elle est la seule à s’imposer comme la digne héritière d’écrivaines telles Shirley Jackson et Laura Kasischke, tout en les entraînant vers ce qu’on appellerait aujourd’hui une “littérature MeToo” : ses héroïnes perturbées le sont souvent parce qu’elles ont été violées. À noter que son recueil est paru en version originale en 2009, bien avant le surgissement du mouvement dans l’espace public.
Des Dangers de fumer au lit de Mariana Enriquez (Éditions du sous-sol), traduit de l’espagnol (Argentine) par Anne Plantagenet, 240 p, 21 €. En librairie.
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