Entre dystopie et farce, cet immense écrivain parfois sous-estimé dissèque notre temps et nos liens amoureux dans un recueil de nouvelles.
Si on le connaît pour des romans comme Water Music ou encore Riven Rock, T. C. Boyle s’est fait connaître en tant qu’écrivain en publiant – comme c’est presque une tradition outre-Atlantique – ses premiers textes sous forme de nouvelles dans quelques magazines de référence : Esquire, The New Yorker, Harper’s Magazine.
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Et c’est à cette forme qu’il revient dans ce recueil de huit nouvelles sans lien apparent entre elles, si ce n’est qu’elles tournent toutes autour du couple, couple conjugal ou sentimental, mais aussi couple père-fils, mère-fils, et même un ménage à trois savoureux, tant il est inopiné.
L’histoire se déroule dans un futur proche où l’on fabrique des “chatchiens” en éprouvettes
Dans ce texte, “Ne sommes-nous pas humains ?”, le narrateur est le témoin d’une scène d’horreur : la “microtruie” de sa voisine est dévorée devant ses yeux, “par un de ces pitbulls transgéniques, un de ces boudins rouges dont ils font la pub à la télé”. L’histoire se déroule dans un futur proche où l’on fabrique des “chatchiens” en éprouvettes, tandis que les bébés humains sont conçus exclusivement en laboratoire. Critique acerbe des tares et délires de cette Californie où il a toujours vécu, Boyle pourfend ici l’esprit new age en le reliant aux délires actuels de certains patrons des GAFAM, entre eugénisme et transhumanisme.
Connivence et affinité profonde
Le livre s’ouvre sur l’histoire terrifiante de “La Box à revivre”, une technologie révolutionnaire qui permet de revivre dans son passé, ses souvenirs, tout en se coupant du monde réel. L’univers est tellement proche d’un scénario de la série Black Mirror qu’on se demande presque s’il ne s’en inspire pas.
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Avec cependant son art des monologues et des ellipses, son ironie mordante et sa sagacité, Boyle atteint ici, en vingt ou trente pages, cette sensation de connivence et d’affinité profonde avec le lecteur ou la lectrice que seule permet la littérature, qui n’a pas besoin de scènes ou de cliffhangers. Il donne chair à nos pires cauchemars dans la si crédible “Surtsey”, où le romancier retrouve un de ses thèmes de prédilection : les catastrophes naturelles liées au dérèglement climatique.
Dans toutes ces histoires, il est également question de chiens, chien disparu, chien oublié dans une voiture, chien agressif parce que créature génétiquement modifiée. C’est au bout du compte à J. G. Ballard que T. C. Boyle fait ici penser, qui, tout comme l’immense auteur britannique de science-fiction, crée une poétique des futurs possibles, futur sombre souvent mais quelquefois joyeux et toujours beau, complexe, fascinant.
Histoires de couples de T.C. Boyle (Grasset), traduit de l’anglais (États-Unis) par Bernard Turle, 224 p., 20,90 €. En librairie le 10 novembre.
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