Marocain, écrivain de l’autofiction, Rachid O. avait rencontré Hervé Guibert à travers Mathieu Lindon. Pour nous, il évoque l’importance et la modernité de Guibert pour les jeunes homosexuels des années 1980.
“A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie a été le début de mes angoisses sur le sida. Au Maroc, on faisait comme si cette maladie ne concernait que les Occidentaux puis, immédiatement, à la lecture, j’ai compris que ça me concernait moi. Ce livre m’a été offert par un coopérant, un professeur de lettres, le seul de mes amis français qui avait un rapport profond à la littérature. Je profitais souvent de ses récits à propos de livres. Il m’avait déjà lu du Proust dans son lit et nous n’étions pas amants.
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J’ai beaucoup aimé ce livre d’Hervé Guibert et, après que je l’ai fini, contaminé à jamais par l’angoisse qu’il y a dans le texte, il me conseille de passer à Proust : ‘Rachid, maintenant, à ton âge, tu devrais le lire.’ J’ai 20 ans. ‘Tu verras, ça donne le sentiment d’avoir intégré toute une famille dans sa propre vie.’ Je n’ai toujours pas lu A la recherche du temps perdu. Je commence souvent et j’arrête. A chaque fois, j’abandonne le livre au commencement.
J’avais répondu, souriant, que, pour l’instant, je suis content d’avoir intégré celle d’Hervé Guibert, cette famille contemporaine m’est plus proche. Et, question famille, plus tard Mathieu m’offre Mes parents, qui est mon livre préféré d’Hervé Guibert.
En tant qu’homosexuel, les histoires de Genet, Gide et d’autres m’étaient plus éloignées, j’ai l’impression qu’elles ne relèvent que de la littérature, de la littérature presque intouchable. Avec Hervé Guibert, ce sont nos propres histoires, toutes simples et qui deviennent singulières et frappantes chez lui, ce sont toujours celles d’aujourd’hui.
Ce rapport à Hervé Guibert a été adouci par Mathieu. J’entends mille aventures, mille anecdotes autour de lui et d’eux. Mathieu m’a passé le goût des poésies ridicules dont il parle dans Hervelino, et je veux toujours gagner quand on en fait. Mathieu est fou d’Hervé. Je trouve que l’amour de Mathieu pour les uns augmente son amour pour les autres.”
Dernier livre paru Analphabètes (Gallimard, 2013)
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