Matthew Weiner, le créateur de Mad Men, signe son premier roman. Noir, élégant, et d’une efficacité redoutable.
Peut-on devenir un bon romancier quand on a passé sa vie à imaginer des histoires pour le petit écran ? Et que peut, au fond, apporter à la littérature un scénariste et showrunner célèbre ? Telles sont les questions que l’on se pose en abordant le premier roman de Matthew Weiner.
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On peut certes se réjouir que cette légende d’Hollywood, qui réinventa il y a dix ans les codes de la série télévisée avec ses Mad Men, nous gratifie d’un texte de facture littéraire. S’agit-il pour autant d’une véritable entrée en littérature ou d’une simple lubie, ce péché mignon des gens que le succès pousse à “commettre un livre”, comme le veut l’expression ?
”On y retrouve les ingrédients qui font le charme de la série »
Heather, par-dessus tout devrait en tout cas ravir les fans de Weiner : on y retrouve les ingrédients qui font le charme de sa série. Même désastre conjugal sous des apparences de bonheur parfait, même intelligence des rapports humains, même poésie du banal, de l’anodin, même ode adressée à Manhattan, ville de tous les possibles et de toutes les solitudes.
L’histoire de la famille Breakstone est d’ailleurs semblable, à quelques exceptions près (le roman se passe de nos jours), à celle des Draper dans Mad Men : Karen et Mark ont tout pour être heureux, lui homme d’affaires fortuné, elle épouse modèle. L’épouse modèle étant, selon les conventions qui régulent la haute bourgeoisie new-yorkaise depuis toujours, une femme au foyer – jolie, certes, mais discrète et surtout dévouée à sa famille.
Sauf que dès la première page du roman, Karen précise qu’elle épousa Mark lorsque, à l’arrivée de la quarantaine, elle “abandonna l’idée de trouver quelqu’un d’aussi bien que son père” et commença à s’inquiéter pour son avenir. Mark, dont “la seule grande qualité était son potentiel à devenir riche”. Ainsi tombent les masques, révélant un mariage fondé sur des faux-semblants, des arrangements bien peu sentimentaux.
Matthew Weiner, un maestro de du suspense
Incapables de prendre leur destin en main, les personnages de Weiner sont aveuglés par la jalousie et autres mesquineries, obsédés par des quiproquos qui les feront foncer dans le mur. Maestro de l’intrigue et du suspense, Weiner mène d’une main sûre la mécanique implacable de ce polar élégant.
Bien écrit, son roman manque parfois de profondeur, et l’on regrette qu’il n’ait osé pousser un peu plus loin les possibilités inouïes qu’offre la littérature, oubliant l’histoire pour s’attarder à décrire les sentiments de ses personnages dans toute leur complexité, leur subtilité.
Heather, par-dessus tout (Gallimard), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy, 144 p., 14,50 €
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