Des années que l’on attendait un nouveau tome de Gus, le western existentiel de Christophe Blain. Cette fois, Clem est le personnage principal. Et c’est toujours aussi bien.
Il a fallu attendre huit ans mais il est cette fois-ci bien au rendez-vous. Le retour de Gus, le western aux accents romantiques de Christophe Blain, se fait néanmoins en l’absence quasi totale du héros éponyme qui n’apparaît que dans un bref préambule.
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Ce quatrième tome est essentiellement consacré à Clem, son ancien compagnon de route et de braquage. Après quelques derniers hold-up, Clem, très riche, se range et vit bourgeoisement avec sa femme Ava et sa fille Jamie. Sa rencontre avec un énigmatique personnage, peintre borgne fasciné par la dynamite, va bouleverser cette récente tranquillité.
Les héros ont pris quelques années
Avec les premiers tomes de Gus, débuté en 2007, Christophe Blain réinventait le western en mettant l’accent sur l’intimité de ses héros, leurs doutes et leurs affaires sentimentales, en projetant sur eux ses préoccupations de jeune homme contemporain. Happy Clem creuse cette voie, mais les héros ont pris quelques années et sont devenus – ou devraient être – adultes.
Tiraillé entre sa famille, la respectabilité et son besoin d’action et de frissons, Clem ressent l’appel de l’aventure. Derrière ses tourments, ce sont donc encore bien des questionnements intimes que l’auteur met en scène : la difficulté à accepter le vieillissement et à assumer ses responsabilités, la volonté de continuer à se prouver des choses.
Les personnages féminins portent eux aussi des enjeux contemporains : auteure désormais reconnue, Ava affronte l’angoisse de la page blanche tandis que Jamie, en pleine crise d’adolescence, torture des poupées et organise un trafic d’armes, face à ses parents désarmés.
Le dessin se fait plus sec et plus réaliste
Christophe Blain dépeint ses personnages avec beaucoup d’empathie. Son dessin se fait plus sec et plus réaliste, de plus en plus détaillé, parfois même proche de l’illustration fin de siècle, avec de beaux jeux d’ombres, comme pour mieux montrer les humeurs troubles des héros ambivalents et jamais manichéens. Dans la lignée de Gotlib ou Uderzo, il multiplie les clins d’œil graphiques – certains personnages empruntent le physique de Robert Duvall, Captain Beefheart…
Ce récit bien mené, dense, sombre, d’une richesse inouïe, est complété par une réflexion constante sur la frontière entre fiction et réalité (les aventures de Clem romancées en fascicules, les exploits de Gus étalés dans les journaux, le nouveau livre d’Ava s’inspirant de la vie du borgne, lui-même un personnage ayant réellement existé…).
Jouant à la perfection sur le fond et la forme, Christophe Blain construit en virtuose sa narration comme un formidable feuilleton aux rebondissements et aux virages incessants. Bien au-delà du western, une fable existentielle ébouriffante.
Gus – Happy Clem tome 4 (Dargaud), 104 pages, 16,95 €
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