Un thriller survolté et jubilatoire de Diniz Galhos qui allie traque de gangsters et hommage en rafales à la culture pop.
Diniz Galhos s’est fait un nom en traduisant un roman orphelin. Paru anonymement en 2010, Le Livre sans nom, polar caliente emmené par un tueur en série, fut attribué un temps à Quentin Tarantino himself en raison de son tropisme pour l’hémoglobine à gogo et les punchlines qui dévissent. Le génie du recyclage pop figure également au générique de Gokan. Si le décor diffère, l’ambiance, elle, ne change pas.
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Parmi les autres prestigieux invités de ce premier opus sous influence, on croisera David Lynch, Takeshi Kitano et Tommy Lee Jones, auxquels s’ajoute une manie de la référence cinéphile qui, chez Diniz Galhos, prend un tour cocasse et délirant. Où un pauvre universitaire spécialiste de Zola se voit confier la tâche de voler la bouteille de saké appartenant au réalisateur de Pulp Fiction, un joueur de golf septuagénaire roule pour le compte de fans de cinéma fétichistes, et un mafieux cite Il était une fois dans l’Ouest pour justifier ses crapuleries.
Galhos paie son tribut au cinéma de genre, à la série B et au film de gangsters. Avec beaucoup de drôlerie et de poigne, il libère les motifs parodiques et les dialogues décomplexés, un thriller à la sauce manga qui jette les personnages les uns contre les autres, ou en quête du graal : une valise diplomatique bourrée de billets. Un gang mafieux affronte ainsi un ex-béret vert et sa fille de 15 ans pro en arts martiaux, tandis que le reste de la surface tokyoïte sera investie par une armée de gorilles décérébrés et un tueur à gages yankee sanguinaire.
Les plus vaillantes répliques sont les siennes, entre bravades néocolonialistes (buvant son coca au McDo : « Le nectar des dieux, hein ? L’ambroisie céleste ! ») et invectives scato à rallonge (« Ton abject orifice buccal semble plus adapté au soulagement prostatique de canidés errants qu’à d’insultantes admonestations »). La force de Gokan est d’éviter l’écueil du kitsch et la citation pour elle-même. Il alterne fiction aveugle et visite au temple (de Carpenter à Annaud, de Dreyer à Leone), observation minutieuse d’une culture et coups de force de la narration gonflés, voire potaches.
A ne pas manquer, la biture de Quentin dans un bar fréquenté par tout le septième art japonais, pendant la promo de Kill Bill :
« Imagine un peu ce grand machin d’Américain, complètement torché avec ses grandes guiboles, longues comme des cheminées d’usine, coincées sur la table, en train de beugler, de rouler et de tanguer comme une nef qui prend l’eau. »
Sur cette scène d’anthologie, l’auteur ne révèle pas ses sources. Mais il a l’air diablement bien renseigné.
Gokan (Le Cherche midi), 216 pages, 16,80 €
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