Souvent présenté comme un modèle de « liberté », le célibat reste mal vécu par une partie de la jeunesse. Entre dates sur Tinder et regards réprobateurs de son entourage, le statut de célibataire est toujours très mal perçu socialement. Dans un ouvrage drôle et rempli d’anecdotes, Anne Berland raconte son expérience de « célibattante »
« Certains tombent amoureux, moi je suis tombée dans le célibat. Ce n’était pas prévu, ça s’est imposé à moi, alors que je faisais tout pour y échapper. Le célibat s’est installé dans ma vie et il a bien fallu l’accepter. Y étais-je préparée ? Non. Y ai-je survécu ? Oui. Comment j’y suis parvenue ? En écrivant ce livre« . Alors qu’une partie de la jeunesse semble touchée par une désaffection pour la vie de couple depuis 1982, comment la génération Y vit-elle son célibat ? Dans un livre s’appuyant sur son expérience personnelle, Anne Berland fournit des éléments de réponse. Aujourd’hui, coach/thérapeute, en couple. Elle était auparavant rédactrice des bandes annonces pour Canal + et célibataire.
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De Tinder à la masturbation
« Celibadtrip » est le roman de son célibat ou plus précisément l’histoire d’une célibataire qui cherche à échapper à sa condition. Durant cinq longues années, Anne Berland va se lancer dans une traversée désertique pour retrouver « l’Amour ». Comme dans une sitcom tragi-comique, chaque expérience va s’avérer plus difficile que prévue. Entre déboires amoureux, situations comiques, expériences trashs… Tout est passé au crible sans tabous : des dates sur Tinder aux coups (alcoolisés) d’un soir, du plan cul à la masturbation. Avec acidité, sincérité et dérision, elle raconte ses pérégrinations de « célibattante ». Le livre se présente sous la forme d’un essai initiatique où « calvaire » et « solitude » semblent être les mots les plus adaptés à son long chemin de croix.
« Tout le monde boit comme si c’était la fin du monde »
Au fil des pages, son téléphone portable devient son meilleur ami et Siri, son confident. L’allégorie est bien tournée, la solitude qu’éprouve l’héroïne est parfaitement retranscrite. Rien n’est laissé de côté, pas même l’alcoolisme mondain ni la drogue et les médicaments qui accompagnent cette période.
« Le célibat est une jungle où tout le monde boit comme si c’était la fin du monde (…) Et puis soyons honnête, sans alcool, nous serions tous vierges à l’heure qu’il est » / « si le mot « drogue » te fait peur, rassure-toi, il y a les médicaments : Stilnox, Lysanxia, Prozac, Lexomil… Ils te permettront de ne pas altérer ta conscience ou ta dignité, de te relaxer et de t’endormir comme un petit bébé. Aucun célibataire de trente ans ne viendra te faire la morale. Personne ne te jettera la pierre, car tout le monde a péché ».
« Sa vie se résume à prendre des caisses et à manger des salades »
Avec beaucoup de dérision, Anne Berland évoque également la vie quotidienne des célibataires et leur hygiène de vie à géométrie variable. « Le célibataire vit dans la dépravation ou la privation, écrit-elle ainsi. Sa vie se résume à prendre des caisses et à manger des salades. C’est pourquoi son repas préféré est un mixte des deux, le mojito« , ou encore l’astrologie : « Tu consultes des sites d’astrologie comme d’autres se branlent sur YouPorn. Frénétiquement et quotidiennement« . Derrière l’humour, c’est un portrait profondément sombre que dessine l’auteur.
Pour l’auteur, même les escapades sexuelles sont désenchantées. « Le cérémonial du préservatif rappelle aux deux partenaires qui s’apprêtent à coucher ensemble qu’ils ne se connaissent pas, ou mal, et qu’ils sont dans une relation transactionnelle« , tranche Anne Berland. Elle revient également sur l’anomalie que représente toujours la situation de célibataire au sein de notre société. Comme si le célibat restait une situation anormale, une maladie vous condamnant aux regards perplexes de votre entourage.
« Non seulement tu te sens vulnérable, mais tu as l’impression d’être devenue une anomalie aux yeux du monde, explique l’auteur. Rien n’est fait pour toi, et tout te coûte plus cher : les chambres d’hôtel, les cartes de réduction, les crédits, les assurances, les impôts, les loyers, la bouffe… »
Les « sex friends » se suivent et se confondent
A l’image de l’allégorie platonicienne de la caverne, l’héroïne cherche tant bien que mal à retomber amoureuse. Paradoxalement et comme le veut le fameux dicton populaire : « plus elle cherche l’amour, moins elle ne le trouve ». L’ouvrage raconte par le menu les phases de profondes déceptions, de rencontres idéalisées presque toujours décevantes à une tristesse contemporaine qui semble s’effondrer sur sa tête. Les « sex friends » se suivent et se confondent. Sa solitude reste.
L’écriture légère rend le sujet facile à lire mais cela n’altère pas la pesanteur ressentie au fil des chapitres. Ainsi, le désespoir et la déception donnent naissance à un nouveau copain : l’incapacité. La célibataire, passée par des étapes plus rudes que jamais doit alors faire face à son pire ennemi : elle même. Après toute ces mésaventures, elle va devoir réapprendre à s’aimer pour donner en retour. « Un pas en avant et trois pas en arrière » pourrait être le slogan de la politique d’action du cœur brisé.
« Deviens ce que tu es »
Marquée par des cernes, un dégoût personnel et beaucoup d’attentes, l’horizon semble enfin s’éclaircir pour la célibataire endurcie du livre. Il s’agit avant tout de l’histoire d’une renaissance à soi-même et pour soi-même, s’accompagnant d’un travail sur soi. « Deviens ce que tu es », disait Nietzsche. Accepter cette souffrance et s’ouvrir à elle permet de dépasser sa condition selon Anne Berland qui semble reprendre à son compte la devise de celui qui « philosophait à coups de marteau ».
« Nos grands-parents se sont mariés. Nos parents ont divorcé. Nous ? C’est compliqué. La vérité, c’est qu’on a décidé de ne pas faire comme eux, de ne pas se vautrer dans le couple pour fuir nos problèmes en espérant que l’amour nous sauvera. C’est pourquoi tu ne laisses plus personne te dire qui tu es où qui tu devrais être ».
L’éternelle éclosion du sentiment amoureux
Selon Anne Berland, s’ouvrir aux autres permet de laisser de côté ses craintes, ses peurs et ses angoisses. En partageant son expérience, l’auteur adresse un message d’apaisement à tous les célibataires qui vivent mal leur situation.
« Pour une aventure, une intrigue, une escapade, un coup de foudre, pour l’amour passionnel et impossible, ils seraient prêt à vendre père et mère. Car ils aspirent à l’éternelle éclosion du sentiment amoureux. Ils veulent goûter indéfiniment au cocktail explosif du désir et de la peur. Qui leur jetterait la pierre ? Mais pour une histoire quotidienne et de longue durée, il n’y a plus grand monde. Et toi, d’ailleurs, es-tu vraiment prêt ?
Si la rencontre se fait attendre, ne cherche pas, c’est qu’il y a une raison. C’est que tu as autre chose à faire avant. Le destin est une petite entremetteuse gentille mais capricieuse, qui possède son propre agenda. La rencontre se fera un jour, mais ce jour ne t’appartient pas. Alors fais confiance. La vie n’est pas si mal faite que ça. Elle a un projet pour toi. Découvre-le. Et l’autre se greffera naturellement dans une vie que tu auras déjà autoalimentée ».
Un modèle sans mode d’emploi
Dans son livre, Anne Berland pense montrer la vie réelle d’une génération de célibataires. Pour beaucoup, derrière ce mot se cache : un sentiment de liberté, de légèreté où il n’y a aucune contrainte. A travers son expérience, l’auteur préfère mettre en lumière le traumatisme ressenti par une majorité silencieuse :
« Le célibat est le drame de ma génération, qui a dû s’y confronter sans modèle et sans mode d’emploi. Nos parents ont accouché d’un monde – notre monde -, dans lequel la famille est une option et le couple une possibilité ».
Anne Berland, Celibadtrip, éditions Michel Lafon, 2016.
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