Le dessinateur ne s’épargne pas et se raconte dans un geste à la fois cassant et tendre pour parler du monde d’aujourd’hui.
En cours de livre, Frederik Peeters enfonce le clou, assumant la dimension narcissique de son autofiction en s’amusant de l’anagramme contenue dans le prénom de son personnage principal. Car, oui, Oleg (“l’ego”) constitue bien son double de papier. Le public qui suit Peeters depuis Pilules bleues (2001) saura relever les références déguisées à ses “vrais” albums (Saccage, L’Homme gribouillé, RG).
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Ce jeu de pistes n’est qu’un attrait très secondaire de cette entreprise d’autoportrait à la fois distanciée et pleine d’autodérision. Le dessinateur suisse désamorce en effet tout aspect casse-gueule et prétentieux en riant de ses potentiels excès de vanité, s’interrogeant : “A quoi ça rime d’être un auteur de BD vieillissant au XXIe siècle ?”
Entre le journal intime et le cahier d’expérimentations
Avec humour, par le biais de son avatar, il met en scène ses contradictions, feignant l’indifférence face à la non-sélection d’un de ses livres pour un prix ou se présentant comme allergique à l’air du temps, la technologie et les réseaux sociaux tout en surfant avec plaisir sur Instagram avec son ado de fille. Sa compagne, elle, ne l’épargne pas quand il lui expose des projets qui, selon elle, ne lui ressemblent pas… d’où des séquences impressionnantes où Peeters esquisse en quelques pages, de son trait maîtrisé, des livres qui n’existeront jamais.
Traitant de l’intimité, de la famille et des doutes propres à la création, Peeters s’empêche tout ronronnement complaisant
S’il renouvelle le genre déjà bien balisé de l’autofiction dessinée, c’est aussi parce qu’il confère à Oleg une forme hybride entre le journal intime et le cahier d’expérimentations, utilisant des citations graphiques et des symboles saisissants. Il se représente ainsi en astronaute immobile face au raz-de-marée des chasseur·euses de dédicaces au festival d’Angoulême.
Font aussi irruption des images a priori hors contexte, celles d’un glacier en train de fondre au Groenland ou d’un dramatique accident de train en Inde. Traitant de l’intimité, de la famille et des doutes propres à la création, Peeters s’empêche tout ronronnement complaisant, multiplie les (fausses) pistes pour un résultat émouvant et stimulant.
Oleg (Atrabile), 184 p., 18€
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