Dans un texte bref, Bertrand Schefer métamorphose son obsession pour la photographe américaine Francesca Woodman en portrait de ses propres tourments. Performance vaudou et style vertigineux.
Francesca Woodman de Bertrand Schefer est le récit d’une magnifique obsession, comme son titre l’indique, pour la photographe américaine Francesca Woodman, née en 1958 et suicidée en 1981.
Dans le registre de la photographie comme état d’urgence, son nom est sans doute moins connu que celui de ses contemporaines Diane Arbus, Nan Golding ou Cindy Sherman. Pourtant les œuvres inquiètes de Woodman perdurent des mises en scène de son corps nu dans des décors délabrés (son loft new-yorkais comme une déchèterie), où elle est à la fois la maîtresse et l’esclave de ses sorcelleries. Bertrand Schefer se fond dans ce trouble qu’il métamorphose en miroir. Il tutoie son cher sujet comme un cheval tutoie l’obstacle, s’y blessant parfois : “Être enfermé avec une femme qui part à la dérive, je viens de là.”
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Jeux de miroirs
L’écriture est au diapason, alternant tous les rythmes. Au pas, voire piétinant, quand le “mystère” Woodman épaissit son brouillard. Au grand galop lorsqu’il déploie la biographie singulière dans un panorama particulier : les États-Unis des années 1970 et le sort assujetti des femmes, a fortiori artistes. Comment Wood-man devient Wood-girl, quitte à en mourir ?
Bertrand Schefer est objectif au sens photographique. Tantôt en très gros plan, jusqu’au grain de l’épiderme, tantôt si élargi qu’il peint un tableau abstrait où le motif Woodman se mélange aux couleurs Schefer pour exhausser le flou. Une formule énigmatique extraite du journal de Francesca Woodman dit beaucoup du récit en vertiges de Bertrand Schefer : “Tu ne peux pas me voir de là où je me regarde.”
Francesca Woodman de Bertrand Schefer (POL), 79 p., 15 euros. En librairie.
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