Une occasion de redécouvrir ce dessinateur de comics méconnu à l’imagination proliférante. Un style fruste pour des récits hallucinés.
Parallèlement à l’essor des superhéros, l’âge d’or des comics, de la fin des années 1930 au milieu des années 1950, a aussi été celui des studios qui vendaient clés en main des bandes dessinées aux éditeurs de journaux et de magazines. Outre les futures stars qui ont débuté dans ces comic shops – Jack Kirby, Bob Kane… –, de nombreux artistes restés anonymes ou tombés dans l’oubli y officiaient sans relâche pour un salaire médiocre.
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Fletcher Hanks fait partie de ces prolétaires de la BD. Entre 1939 et 1941, il a écrit et dessiné cinquante et un récits pour des publications méconnues, disparues depuis. Puis l’homme, apparemment alcoolique et violent, s’est volatilisé jusqu’à son décès avéré en 1976.
Une première sélection de ses récits avait été publiée en France en 2007, mais c’est aujourd’hui une véritable intégrale que propose Actes Sud - L’An 2. On y découvre ses héros récurrents comme le musculeux Super-mage Stardust et le balèze Space Smith, le bûcheron Big Red McLane qui fait la loi dans la forêt et la puissante Fantomah, qui se transforme en squelette pour maudire les brigands de la jungle.
Les ressorts des récits sont simplissimes. En général, des méchants, humains ou monstres, complotent pour s’emparer de richesses/asservir la terre/régner sur la jungle/détruire la civilisation. Grâce à ses superpouvoirs, le héros les en empêche et les punit.
Ces trames sont certes basiques, à la limite de la caricature, avec de nombreuses ellipses, mais les intrigues ne sont néanmoins jamais répétitives grâce à l’imagination débridée de Fletcher Hanks, à ses scénarios tordus, à ses créatures étranges et à ses idées toujours plus délirantes.
Fletcher Hanks ne s’embarrasse toutefois pas de fioritures. Son dessin est brut, fait dans l’urgence. Ses personnages sont expressifs mais figés, ses inventions technologiques réduites à des volumes géométriques, ses perspectives approximatives, et il n’hésite pas à réutiliser plusieurs fois le même dessin. Les textes, fougueux et lapidaires, n’ajoutent en rien à la vraisemblance des intrigues, mais leur donnent un rythme trépidant. Les bourre-pifs et autre uppercuts pleuvent. Les héros sont brutaux, voire malsains, répondant à la violence par la violence et infligeant à leurs ennemis des châtiments terribles et des morts atroces.
Malgré leur extravagance, leurs couleurs pétaradantes et une certaine naïveté, ces histoires sont sombres, nerveuses, enragées, comme peu de récits de superhéros l’étaient alors. Des BD encore aujourd’hui hallucinantes et hallucinées. Anne-Claire Norot
Œuvres complètes (Actes Sud - L’An 2), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Harry Morgan, 384 p., 39,50 €
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