L’auteur américain Peter Bagge est surtout connu pour ses albums mettant en scène de jeunes losers sans avenir de la génération grunge (Buddy Bradley), et pour ses reportages plus récents sur la société américaine où transperce son cynisme de libertarien (Tous des idiots sauf moi). Mais il s’est aussi illustré dans la biographie, dont celle […]
D’un trait vif et cartoonesque, Peter Bagge raconte la vie de Margaret Sanger, l’impétueuse fondatrice du Planned Parenthood. Une bio sans complaisance.
L’auteur américain Peter Bagge est surtout connu pour ses albums mettant en scène de jeunes losers sans avenir de la génération grunge (Buddy Bradley), et pour ses reportages plus récents sur la société américaine où transperce son cynisme de libertarien (Tous des idiots sauf moi). Mais il s’est aussi illustré dans la biographie, dont celle de Margaret Sanger.
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Bien que son nom ne nous dise pas grand-chose en France, Margaret Sanger (1879-1966) a pourtant joué un rôle décisif dans l’émancipation des femmes, puisqu’elle est à l’origine du planning familial américain (Planned Parenthood) et a lutté toute sa vie pour la légalisation du contrôle des naissances, l’accès à la contraception et l’éducation sexuelle.
De nombreuses rumeurs cherchant à la décrédibiliser sont propagées
Issue d’une famille ouvrière dont la mère tomba dix-huit fois enceinte, elle débute comme infirmière dans les quartiers pauvres de Manhattan où elle croise des femmes dans des conditions de détresse extrêmes à cause de grossesses trop nombreuses – l’information sur la contraception étant alors illégale. Son engagement débute par des articles dans des journaux socialistes.
Son combat pour faire changer les mentalités dans une Amérique bigote et corsetée est rude. De nombreuses rumeurs cherchant à la décrédibiliser sont propagées : on lui reproche de vouloir contrôler les naissances des Afro-Américaines pour réduire leur nombre dans le pays, on l’accuse d’eugénisme – elle veut que la fécondité, notamment des pauvres, soit maîtrisée – et donc de sympathies nazies.
Cette personnalité controversée, opiniâtre, à la vie très libre, ne pouvait que plaire à ce chantre des libertés individuelles qu’est Peter Bagge. Et il s’empare du personnage avec brio. Il se concentre sur les événements marquants de sa vie, les raconte de façon dense et concise, alterne épisodes graves et moments plus légers (ses relations avec ses nombreux amants, parmi lesquels on trouve H.G. Wells) et confère un rythme trépidant au récit, à l’image même de l’existence de son personnage.
Pour le contrôle des naissances, mais contre l’avortement…
Peter Bagge s’est beaucoup documenté – Sanger conservait tout, lettres, brouillons de ses écrits… – et sa biographie, très précise, est loin d’être hagiographique. Il n’hésite pas à montrer ses défauts – elle est irascible, manipulatrice, prête à tout pour sa cause, difficilement à l’écoute des autres… –, et sa complexité. Margaret Sanger était en effet pétrie de contradictions : pour l’amour libre mais contre la masturbation, pour le contrôle des naissances mais contre l’avortement…
Le style cartoonesque de Peter Bagge, avec son trait élastique un peu nouille, s’accorde idéalement à cette personnalité explosive. Les bouches et les regards sont plissés ou grands ouverts, toujours très expressifs, à la limite de la caricature, donnant une constante impression d’impétuosité, de mouvement.
Une biographie terriblement vivante, emplie d’admiration et de recul, et d’autant plus bienvenue aujourd’hui que le Planned Parenthood est dans le collimateur de l’administration Trump. Anne-Claire Norot
Femme rebelle – L’histoire de Margaret Sanger de Peter Bagge (Nada Editions), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Paulin Dardel, 120 p., 18 €
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