On nous le vend comme un produit “rare” et “artisanal”, mais le miel de nos supermarchés provient surtout de Chine. Entre “faux miel” et corruption, l’enquête des journalistes François Roche et Béatrice Mathieu expose la face sombre d’un commerce international peu reluisant.
Quand on y pense, au miel, on imagine l’été, les brunchs en terrasses, ce liquide coulant sur une tartine bien croquante… Mais pas à ce producteur chinois qui a probablement confectionné le précieux nectar, ni au fait qu’il puisse s’agir de « faux miel ». Et encore moins au commerce gigantesque et opaque qui gravite autour…
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C’est cette commercialisation pleine de chemins sinueux que révèle Le Miel, enquête sur le nouvel or jaune, des journalistes François Roche et Béatrice Mathieu. Une centaine de pages durant lesquelles l’idée qu’on se faisait de ce produit « du terroir”, est épluchée et brisée. Le miel, cette denrée qui a fasciné de nombreux philosophes, qui a été à l’origine des plus grands mystères et qui fait toujours la fierté des producteurs locaux, n’a en partie plus rien de « local ».
Le miel est devenu aussi populaire que le sucre. Il est désormais une vulgaire « commodité ». On le retrouve partout, dans nos assiettes comme dans nos médicaments. Si la demande en nectar jaune augmente considérablement, pas besoin d’être Winnie l’ourson pour savoir que les abeilles sont en voie de disparition, à force de subir les dérèglements climatiques ou la destruction de leurs habitats. Les abeilles se meurent, mais bizarrement, le miel est toujours en stock dans nos supermarchés.
Le roi de l’exportation de miel : la Chine
La plupart est importé depuis… la Chine. Le miel arrive par cargos, « dans les mêmes barils que ceux utilisés pour le pétrole », relatent les journalistes. Grâce à une documentation fournie, mais dont on regrette parfois le manque de terrain et de témoignages directs, ils nous emmènent au port de Hambourg, à la fois « plaque tournante du commerce du miel » et le centre des négociations du commerce international, jusqu’en Chine, le premier producteur de miel au monde (500 000 tonnes, deux fois plus que l’Union européenne). 50% du miel importé vient de Chine. Dans la province de Qinghai, où une grande partie du miel est cultivé, des milliers d’apiculteurs installent leurs ruches ramenées par camions.
Pour atteindre cette partie de l’enquête sur le miel mondialisé, il faudra néanmoins parvenir au bout de la trentaine de pages du début, ou sauter ce passage très chronologique sur les mythes rattachés au miel, où l’on passe de Zeus à Napoléon et où l’on revient même sur la place des abeilles à l’époque du Moyen Age.
Après ce début parfois très didactique, l’enquête va pourtant au-delà du commerce international, en abordant d’autres mystères qui entourent le miel. Si les exportations ont doublé, la part de production reste identique dans le monde, et suscite ainsi beaucoup de théories : le miel importé pourrait notamment être du « faux miel », créé avec une synthèse de glucose et de fructose, et mélangé à une dose de miel provenant de vraies abeilles.
Du miel falsifié dans nos armoires ?
Les journalistes nous mettent en garde : la Chine est connue pour avoir parfois falsifié son miel, en le coupant par exemple à l’eau, et d’avoir baigné dans la fraude et la corruption. Pire, entre 2002 et 2004, le miel chinois a été interdit à la vente dans les pays de l’Union européenne car il contenait du chloramphénicol, un puissant antibiotique. « Et on ne sait pas vraiment ce qu’est devenu ce miel », affirment les journalistes.
Se serait-il retrouvé dans nos placards ? Très possible : les trois-quarts des pots de miel en vente dans nos supermarchés sont des importations. Et l’année 2016 a fortement eu recours aux producteurs externes : « En France, l’année 2016 a été la plus nulle pour les abeilles, le pays a donc dû acheter à l’étranger », précise les enquêteurs.
Pas la peine de chercher ces « contrefaçons » chez les grosses firmes comme Danone ou Nestlé, non, ils atteignent aussi les petites productions qui se vantent de leur « artisanat ». Les journalistes nous conduisent alors jusque dans les Pyrénées, où les apiculteurs de la famille Michaud conçoivent « Lune de Miel », un produit célèbre qui se dit « 100 % pur et naturel ». Leur miel provient bien des abeilles, mais toutes n’ont pas butiné dans cette région. Ces miels proviennent de sources différentes, comme l’Espagne. Si la qualité n’est pas à remettre en question, d’ailleurs cela n’a rien d’illégal et ils ne s’en cachent pas sur leur site, il est difficile pour un consommateur de voir la différence au goût, ni de reconnaître le subterfuge sur l’étiquette.
Désormais, on y repensera à deux fois avant d’acheter un pot de miel.
Le Miel, enquête sur le nouvel or jaune, de François Roche et Béatrice Mathieu, éd. François Bourin, 104 p., 16 €
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