Le Pavillon des hommes imagine une société japonaise décimée par les hommes. Une série inventive et maligne par l’auteur japonaise Fumi Yoshinaga.
Au XVIIe siècle, au Japon, une mystérieuse maladie appelée la variole du tengu décime les hommes, qui finissent par ne plus représenter qu’un quart de la population. Le point de départ de la série Le Pavillon des hommes est évidemment fictif, mais la jeune auteur Fumi Yoshinaga en tire une uchronie presque plausible, particulièrement intrigante et passionnante.
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Quatre-vingts ans après le début de l’épidémie, la structure de la société s’est complètement transformée. Les femmes ont pris le pouvoir et assument les fonctions auparavant réservées aux hommes, qu’il s’agisse du commerce, de l’agriculture ou de la politique. Le shogun lui-même est une femme. Quant aux hommes, leur rareté les confine à des rôles de reproducteurs et de prostitués qui font commerce de leur sperme.
Un pavillon regroupe 800 hommes prêts à former une armée
Dans la capitale Edo, le Pavillon des hommes regroupe huit cents mâles sélectionnés pour leur vigueur, gardés au secret auprès de la shogun, pour que celle-ci puisse lever une armée en cas de danger. C’est aussi parmi eux qu’elle choisit ses concubins. Dans ce harem régi par une étiquette très stricte règnent le calcul, la perversité et les brimades.
Fumi Yoshinaga retrace l’histoire du Pavillon, de l’accession d’une femme au shogunat à l’élaboration de son sévère règlement. Parallèlement, elle décrit comment dans tout le pays les femmes se sont peu à peu prises en main face au déclin de la population masculine. Comment elles se sont libérées de la domination et de la toute-puissance des maris, des frères ou des pères, pour prendre leurs responsabilités et permettre à la société de continuer à fonctionner.
Dans le premier tome de la série, quelques éléments de boy’s love (manga pour filles mettant en scène des amours masculines) laissent craindre que Le Pavillon des hommes ne se transforme en romance précieuse. Mais dès le volume suivant, Fumi Yoshinaga se détourne du genre pour mieux jouer avec l’histoire et s’amuser du renversement des rôles.
Un jeu avec la vérité historique
Elle utilise en trame la vérité historique, respectant les dates, les noms et les grands événements du shogunat Tokugawa au XVIIe siècle (l’incendie d’Edo, la famine…), tordant avec ingéniosité la réalité pour mieux la mettre au service de son récit. Elle explique par exemple la fermeture du pays aux étrangers par le besoin de leur cacher que la population masculine est décimée.
Fumi Yoshinaga prend également un plaisir malin et féministe à attribuer aux hommes des comportements jugés typiquement féminins, et vice versa. Les femmes font de la politique, maîtrisent leur sexualité et la procréation, les hommes du Pavillon ont des comportements de courtisanes, multipliant les intrigues de couloir pour garder un semblant de pouvoir. Mais l’auteur montre aussi, notamment à travers l’importance du rôle des coiffures et des costumes (dessinés avec une grande élégance), comment la société reste codifiée malgré l’inversion des rôles. Le Pavillon des hommes est un brillant amusement, à la fois tragique et léger, qui permet de réévaluer les poids relatifs des sexes, des contraintes sociales et de l’histoire.
Le Pavillon des hommes, tomes 1, 2, 3 et 4 (Kana), environ 200 pages, 7,35 € chacun
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