Le geste fou d’une jeune femme révèle les malaises contemporains de la société israélienne. Un véritable bijou d’humour et de causticité.
C’est une fille qui se révolte de la manière à la fois la plus incroyable et la plus simple qui soit. Quelques heures avant ses noces, elle s’enferme à double tour dans une pièce et crie par trois fois : “Pas de mariage.”
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Inutile de préciser que, devant la porte close où se rassemblent ses proches, c’est la panique. Supplications, menaces, chantage, tout va être tenté pour faire plier Margui. Mais, pour une raison qui échappe à tous, celle qui a toujours été une gentille fille ne cède pas.
Il est intéressant de voir comment, à travers des saynètes pleines d’humour, Ronit Matalon montre à quel point une femme qui ose adopter une attitude inconcevable fait immédiatement l’unanimité contre elle. La romancière israélienne, décédée d’un cancer l’an dernier, était connue pour son engagement féministe et ses prises de position politiques.
Dans cette novella très maîtrisée, un grain de sable va totalement détraquer l’agencement bien huilé de l’existence commune. Car l’hystérie générale va dévoiler les failles, les dysfonctionnements et les conflits entre les protagonistes. Les différences sociales entre les familles des futurs mariés, la rapacité des uns et le mépris des autres éclatent soudain au grand jour.
Religion, réussite professionnelle, mémoire, armée, terrorisme, antagonisme entre séfarades et ashkénazes, racisme anti-arabes… toutes sortes de thématiques sont brassées à l’intérieur de ce court texte, à la faveur des conversations spontanées qui éclatent dans l’appartement des parents de la jeune femme, devenu une sorte de Titanic. L’absurde monte d’un cran à chaque page et ce qui était un différend entre deux amoureux se transforme en cataclysme.
Et peu à peu d’autres choses plus secrètes se font jour. Comme dans De face sur la photo, son précédent roman (2015), les douleurs anciennes sont le ciment d’une histoire familiale. Une enfant disparue est évoquée comme par inadvertance, et peut-être est-elle la clef de tout.
Surtout, à travers les interrogations du fiancé, qui durant des heures cherche une cause possible au comportement de sa promise, c’est un beau portrait de femme qui s’esquisse. Celui d’une personnalité bien plus riche et complexe que tous – sa famille, sa belle-famille et son fiancé – ne l’avaient cru.
Et la mariée ferma la porte (Actes Sud), traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz, 144 p., 15,80 €
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