À l’occasion des prix littéraires, nous avons voulu savoir combien touchaient les auteurs et autrices. Entre celles et ceux qui réalisent près de la moitié des ventes en librairie et les autres, comment se négocie aujourd’hui une vie d’écrivain·e ?
La récompense reste anecdotique. Mais la manne qui en découle est infiniment plus lucrative. Lorsqu’un·e écrivain·e remporte le prix Goncourt, il ou elle repart avec un chèque de… 10 euros, rarement encaissé. Et, surtout, avec la promesse de voir les ventes de son livre s’envoler. Selon l’institut GfK, un Goncourt s’écoule en moyenne à 367 100 exemplaires, devançant de loin les scores réalisés par les gagnant·es des autres grands prix de l’automne, celui de l’Académie française, les Femina, Renaudot, Interallié et Médicis.
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En 2020, les commensaux de Drouant ont fait de leur dernier récipiendaire, Hervé Le Tellier, un phénomène. Tiré à 12 500 exemplaires à sa parution il y a un an, son roman L’Anomalie, depuis réimprimé quinze fois par Gallimard, a dépassé le million de tirages. Deuxième meilleure vente de l’histoire du Goncourt, il bat Les Bienveillantes de Jonathan Littell, primé en 2006, mais n’atteint pas encore L’Amant de Marguerite Duras, écoulé à plus d’1,6 million d’exemplaires depuis 1984. L’Anomalie a été traduit en 40 langues et devrait être adapté en série télé – suscitant des droits dérivés et l’assurance de bénéfices démultipliés, sans compter l’édition en poche.
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La part du gâteau
En France, quand un·e écrivain·e signe un contrat avec une maison d’édition, cadré par un modèle type mis au point en 2018 par la Société des gens de lettres (SGDL), l’une des principales organisations de défense de la profession, deux revenus lui sont garantis. L’un est variable : il s’agit des droits d’auteur, qui représentent dans la branche littérature entre 8 % et 10 % du prix public de vente hors taxes du livre. “Rapporté au chiffre d’affaires du secteur, ce montant confirme l’estimation selon laquelle un auteur perçoit en moyenne un euro par exemplaire vendu”, indique la SGDL.
Ces pourcentages sont en réalité un plancher et gonflent à mesure que les ventes augmentent. La progression se fait selon une échelle convenue avec l’éditeur·trice. Les règles fréquemment citées sont celles du “8/10/12” et du “10/12/14” : l’écrivain·e touchera 8 % jusqu’à 10 000 exemplaires vendus (le palier le plus souvent cité également), puis 10 % pour une fourchette intermédiaire (entre 10 000 et 20 000 par exemple) et 12 % au-delà.
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Mais tout dépend de la renommée de l’auteur·trice, de ses “résultats” précédents s’il·elle a déjà publié. Certaines stars parviennent à signer 16 % dès le premier livre vendu. “Un ‘10/12/14’ pour un roman grand format, ça me paraît assez normal, ce n’est pas du vol, estime un spécialiste du secteur. Certains très gros vendeurs arrivent à négocier une entrée à 20 %, mais c’est rarissime.”
La profession bruisse de spéculations, mais peu d’auteur·trices et d’éditeur·trices, que nous avons pourtant contacté·es, acceptent de chiffrer précisément les gains engrangés grâce à un best-seller. Lydie Salvayre, qui a décroché le Goncourt en 2014 avec Pas pleurer (Seuil), fait figure d’exception : “Il m’a rapporté autour de 500 000 euros, et les impôts en ont pris la moitié”, nous confie-t-elle.
“Autant que le prix, c’est le passage à La Grande Librairie qui a dopé les ventes en France.” Benoît Virot, éditeur de Maryam Madjidi
En quelques années, Actes Sud a aligné quatre lauréats. Sa directrice, Françoise Nyssen, ancienne ministre de la Culture, indique que chacun des romans primés s’est vendu à plus de 400 000 exemplaires. En 2017, Maryam Madjidi, qui publie cette rentrée Pour que je m’aime encore – en couverture avec trois autres jeunes auteur·trices de notre numéro de septembre “Rentrée littéraire” –, a remporté le Goncourt du premier roman avec Marx et la Poupée (Le Nouvel Attila).
Son éditeur, Benoît Virot, croit davantage à l’impact de la récompense sur les ventes de droits plutôt que sur les ventes en librairie : “Autant que le prix, c’est le passage à La Grande Librairie [le magazine littéraire de France 5] qui a dopé les ventes en France.” L’année suivante, le Renaudot est allé à Valérie Manteau pour Le Sillon (Le Tripode). “Elle est passée de 5 000 à 50 000 exemplaires vendus”, résume son éditeur, Frédéric Martin.
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Cet été, Hervé Le Tellier précisait au micro de Radio France que “la plupart” de ses livres se vendent d’ordinaire “à 20-30 000 exemplaires”. Compte tenu de ce rendement installé, le deal avec son éditeur pour L’Anomalie pourrait suivre, a minima, la règle du “10/12/14” et fixer des paliers élevés, à 15 000 et 30 000 exemplaires vendus.
Sachant que son ouvrage, affublé du bandeau rouge, coûte en librairie 20 euros TTC, qu’il est assujetti à une TVA de 5,5 %, que l’on peut estimer qu’au moins 800 000 exemplaires ont été achetés pour 1 million de tirés, Hervé Le Tellier pourrait avoir gagné à ce jour plus de 2,1 millions d’euros sur le seul marché français. La part du gâteau dévolue à Gallimard pourrait, quant à elle, s’élever à 6 millions d’euros.
Lauréat du prix du Livre Inter il y a quelques années, un auteur, dont les ventes de l’ouvrage primé ont été doublées, remarque : “Ça a donné une visibilité sur ce que j’ai publié après, le suivant s’est encore mieux vendu.” Si l’effet “prix” profite aussi aux romans précédemment publiés d’un·e auteur·trice, il le ou la place surtout en position de force pour son futur contrat et pour ses futures tractations avec son éditeur·trice. Et tout particulièrement celles concernant l’à-valoir.
Un pari sur les ventes
Hormis les droits d’auteur, c’est l’autre principale source de revenus contractuels d’un·e écrivain·e : il s’agit d’une avance fixe sur les droits, dont le versement s’étale, en général, de la remise du manuscrit à sa publication. Pour un premier roman, il avoisine les 3 000 euros, mais peut être symbolique, de l’ordre de 500 euros. Pour les écrivain·es expérimenté·es, la somme, calculée à partir d’une projection des ventes à venir, peut rapidement grimper.
Françoise Nyssen détaille : “Si un auteur touche 2 euros sur un livre vendu 20 euros, et pour une vente probable de 100 000, il toucherait 200 000 euros et plus, ce qui pourrait l’amener à souhaiter un à-valoir a minima de ce montant. Parfois, les demandes sont bien plus élevées pour les auteurs de fortes ventes et peuvent atteindre des sommes dépassant le demi-million d’euros. Certains font l’objet d’enchères qui tirent l’à-valoir vers le haut, et ce n’est pas raisonnable. Il faut trouver le meilleur équilibre pour rémunérer justement l’auteur et assurer la vie du livre sur le temps long en investissant sur son accompagnement.”
Responsable du domaine français chez Flammarion, l’éditrice Alix Penent souhaite également “rester raisonnable” sur les avances : “D’une part, l’idée est de gagner de l’argent avec les livres. C’est plus gratifiant pour les auteurs d’avoir un relevé de compte positif plutôt qu’une grosse avance et puis plus rien. D’autre part, je ne veux pas que, entre deux auteurs à notoriété et ventes égales, celui qui aurait réussi à négocier obtienne deux fois plus que l’autre… question d’équilibre.”
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À la tête de la petite maison Le Tripode, Frédéric Martin invoque un “principe de bon sens” : “L’à-valoir est une anticipation sur les ventes, et je ne peux pas me permettre de faire une économie de jackpot, de prendre un risque démesuré sur un titre en me disant que si on ne le couvre pas avec les ventes, ça passera dans les frais courants.”
“Chez nous, la fourchette va de 5 000 à 15 000 euros… Notre plus gros à-valoir en vingt ans d’existence, c’est 70 000 euros. Faire le plus gros chèque possible, ce n’est pas mon métier, d’autres le font très bien. En revanche, sélectionner peu de projets et travailler avec les auteurs sans compter les heures, on sait le faire”, explique Laurent Beccaria, ancien trésorier du Syndicat national de l’édition (SNE) et patron des Arènes.
Sur les deux dernières années, un ouvrage sur deux publié par cette maison indépendante, notamment spécialiste des essais, était un premier livre. Ce sont Les Arènes qui ont édité le règlement de comptes autobiographique de l’ex-compagne de François Hollande, Valérie Trierweiler, “qui n’a pas eu d’avance, car ce n’est pas ça qui l’intéressait”, précise Laurent Beccaria. Devenu le best-seller de 2014, Merci pour ce moment a dépassé les 700 000 ventes, hors édition poche, et a été traduit en 12 langues.
Les “droits étrangers”, soit la revente des droits initiaux à une maison d’édition qui s’occupera de traduire, de diffuser et de promouvoir le livre dans son pays, obéissent à une règle de partage qui s’est généralisée en France : 50 % sur les ventes pour l’auteur·trice, 50 % pour la maison d’édition.
Autre source de droits dérivés : l’adaptation d’un roman sur petit ou grand écran, dont la rémunération varie, d’après le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), entre 45 000 et 200 000 euros. Là encore, la règle du 50-50 prédomine pour la répartition des gains. L’écrivain·e peut parvenir à s’arroger un taux plus favorable, “notamment dans les cas, mais pas uniquement, où la cession serait apportée directement par l’auteur”, préconise la SGDL.
Les élu·es et les autres
La surmédiatisation des prix littéraires et les intrigues qui agitent leurs cénacles – en témoigne la récente “affaire” Camille Laurens, membre du jury du Goncourt et compagne du philosophe François Noudelmann, en lice pour le prix dans sa première liste, autrice dans Le Monde d’une chronique au vitriol d’un livre concurrent signé Anne Berest – ne doivent pas faire oublier la fragilité d’un secteur touché depuis plusieurs décennies par l’érosion et la concentration des ventes.
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En 2019, sur 68 171 nouveautés et nouvelles éditions publiées, les 10 000 titres les plus vendus représentaient à eux seuls 47,3 % du chiffre d’affaires de l’édition française, selon l’Observatoire de l’économie du livre. Or, le tirage moyen d’un ouvrage imprimé en France ne dépasse pas les 5 000 exemplaires. “Désormais, quand tu écoules entre 5 000 et 10 000 exemplaires, tu es super-content”, confirme un auteur.
Il y a donc les élu·es – peu nombreux·euses – et les autres. Selon la SGDL, sur près de 100 000 auteur·trices de livres en France, seul·es 5 000 sont affilié·es à l’Agessa, l’organisme de gestion du régime de Sécurité sociale des artistes-auteur·trices. La création littéraire est donc leur activité principale.
“La fermeture des librairies a favorisé la concentration sur les auteurs qui vendaient déjà.” Pascal Perrault, directeur général du CNL
Pourtant, 90 % d’entre eux·elles perçoivent un revenu en droits d’auteur inférieur au Smic (40 % chez les auteur·trices affilié·es), d’après une étude de 2015 du ministère de la Culture. La pandémie de Covid-19 n’a rien arrangé. “À cause de la fermeture des librairies, l’absence de prescription a affecté les auteurs de moindre renommée et a favorisé la concentration sur les auteurs qui vendaient déjà”, constate Pascal Perrault, directeur général du Centre national du livre (CNL).
Activités annexes
Rémunérée par les organisateurs en droits d’auteur, la participation aux salons et aux festivals – des événements souvent subventionnés – permet à nombre d’écrivain·es de compléter leurs revenus artistiques, en parallèle des ateliers d’écriture, des résidences et des bourses financés, là aussi, en grande partie par les deniers publics. Ces activités annexes se sont multipliées ces vingt dernières années.
Le romancier Arnaud Cathrine, lauréat en 2015 du prix de la nouvelle de l’Académie française avec Pas exactement l’amour (Gallimard/“Verticales”), est également scénariste, parolier, auteur pour le théâtre et conseiller à la Maison de la Poésie à Paris. La littérature lui fournit un tiers de ses revenus : “Dans ce tiers, c’est deux tiers issus de la vente des livres et un tiers des lectures et des festivals”, calcule-t-il.
La Maison des écrivains et de la littérature (Mél) coorganise ce type d’événements, ainsi que des ateliers d’écriture dans des établissements scolaires en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale. Pour ces derniers, les auteur·trices sont payé·es 226 euros nets la demi-journée, 365 euros pour une journée. Dans un festival, la participation à une table ronde est rémunérée 200 euros nets, un peu plus si c’est une lecture.
“Beaucoup de primo-romanciers arrêtent toute activité en espérant vivre de leur plume grâce à ces résidences et ces actions auprès du public.” Sylvie Gouttebaron, directrice de la Mél
“Il m’arrive de valider des paiements jusqu’à 2 500 euros pour des auteurs qui ont fait un atelier comprenant plusieurs interventions”, explique Sylvie Gouttebaron, directrice de la Mél. Et de citer en exemple l’opération Le Livre fait le pont, en Loire-Atlantique, qui offre 2 160 euros nets à un·e auteur·trice invité·e durant quatre jours, avec une commande de texte et des rencontres à la clé.
Mais cette diversification n’a pas que des vertus : “Beaucoup de primo-romanciers arrêtent toute activité en espérant vivre de leur plume grâce à ces résidences et ces actions auprès du public. Il y a de plus en plus de propositions à l’échelle nationale, régionale, départementale, voire municipale, pointe Sylvie Gouttebaron. Mais il faut être assez bien rodé, certains écrivains ont un programme annuel digne d’un chanteur d’opéra.” Or, il n’est pas donné à tout·e auteur·trice de devenir un·e professionnel·le de l’événementiel tout en restant créatif·ive.
“[La diversification] peut être un cercle vicieux quand ça devient une obligation pour survivre.” Christophe Hardy de la Société des gens de lettres
“C’est une vraie menace, ça peut être un cercle vicieux quand ça devient une obligation pour survivre, abonde l’écrivain Christophe Hardy, président de la SGDL et vice-président du Conseil permanent des écrivains (CPE). La préservation d’une chambre à soi, d’un espace de création et de concentration n’est pas seulement un enjeu symbolique.” Mais, d’abord, une question de temps disponible.
Parmi les bourses accordées par le CNL aux écrivain·es, celle dédiée aux résidences permet un rééquilibrage. L’auteur·trice touche 2 000 euros par mois, entre trois et six mois d’affilée, durant lesquels il ou elle ne doit pas consacrer plus de 30 % de son temps à des publics scolaires et associatifs, réservant ainsi le reste de son planning à l’écriture.
En 2020, les aides accordées aux auteur·trices par le CNL ont bénéficié d’un budget de plus de 3,9 millions d’euros, rallongé de 500 000 euros en 2021. Hormis les bourses dédiées aux traducteur·trices, il existe une bourse de découverte pour les jeunes auteur·trices de 5 000 euros et une bourse de création (8 000 ou 15 000 euros).
Écrivain·es intermittent·es
Durant la crise sanitaire, ces dispositifs ont été suppléés par un fonds d’urgence, mis en place par la SGDL et géré par le CNL, afin de garantir aux auteur·trices une aide équivalente à 60 % de leurs revenus de 2019. En septembre, selon l’estimation de Pascal Perrault, près de 300 écrivain·es avaient soumis leur dossier et l’enveloppe d’1 million d’euros dédiée en 2021 était déjà consommée à 80 %. Cette aide a pu être cumulée avec celle que le fonds national de solidarité a destinée aux auteur·trices ayant perdu 40 % ou plus de leurs revenus.
L’intérêt pour la littérature ne se limite plus à l’achat d’un livre, le lectorat est désormais friand d’interactions.
Le développement des activités annexes des écrivain·es reflète une évolution des habitudes de consommation. L’intérêt pour la littérature ne se limite plus à l’achat d’un livre, le lectorat est désormais friand d’interactions. Et les événements littéraires contribuent à l’attractivité des territoires. Une autrice pointe le danger d’un système qui valorise celui ou celle qui sait se vendre : “Tout le monde n’est pas taillé pour ça. Si on n’a pas ces capacités-là, je ne vois pas comment on peut surnager.”
Et ces bouleversements influent sur la façon dont les auteur·trices gèrent leur carrière. “Je parle beaucoup plus d’argent avec les auteurs. Ils sont beaucoup plus au courant des pratiques, par leurs réseaux. Ils m’interrogent sur leurs mises en place, leurs chiffres de vente, les possibilités de traduction, sur toutes les questions relatives à l’exploitation du livre, en fait”, constate Alix Penent.
Selon les éditeur·trices interrogé·es, les romancier·ières qui tentent de vivre uniquement de leurs droits d’auteur seraient de plus en plus nombreux·euses. Or, la participation accrue aux événements les transforme de facto en auto-entrepreneur·euses. Et renforce leur précarité, car tout repose sur des contrats très courts et tout est remis en jeu en permanence. Si l’État a multiplié les ateliers d’écriture dans les écoles, à raison de quelques séances par an et par classe, il n’a pas pour autant créé des postes d’enseignant·es de création littéraire.
Dans la majorité des cas, les écrivain·es dont les ventes ne sont pas mirobolantes continuent d’exercer leur boulot d’origine.
Dans la majorité des cas, les écrivain·es dont les ventes ne sont pas mirobolantes continuent d’exercer leur boulot d’origine. Et pas seulement pour s’assurer un salaire. Beaucoup sont professeur·es, journalistes, plus rarement épicier·ières comme Djamel Cherigui, l’auteur de La Sainte Touche (JC Lattès/“La Grenade”).
Lydie Salvayre n’a, quant à elle, jamais abandonné son métier de psychiatre : “On n’écrit pas la même chose quand on est aux prises avec le réel ou quand on ne sort pas de sa chambre”, juge-t-elle. Arnaud Cathrine y voit le prix de son indépendance : “Dès le début, j’ai travaillé pour ne pas compter uniquement sur les droits d’auteur, raconte-t-il. J’avais peur, si j’avais besoin d’en vivre, d’être poussé à écrire des livres que je n’avais pas envie d’écrire.”
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C’est en 2019 que la révision de l’accord de 2014 sur le contrat d’édition aurait dû être lancée. Retardée par la crise sanitaire (“qui a bon dos”, glisse un observateur), cette négociation associant le SNE et le CPE s’est enfin ouverte en juin dernier. Dans la lignée du rapport de Bruno Racine sur “L’auteur et l’acte de création” remis au ministère de la Culture au début de 2020, ces échanges sont l’occasion d’un “dialogue autour du partage de l’information et du partage de la valeur”, explique Christophe Hardy (SGDL).
Les objectifs des organisations d’auteur·trices : estomper l’opacité qui règne dans les arrière-cuisines des maisons d’édition et imposer l’idée d’un “minimum garanti non remboursable et non amortissable”, qui pourrait remplacer l’à-valoir. Cette sorte de “prime d’inédit” viserait à payer, hormis le temps d’exploitation de l’œuvre, le temps de sa création.
“Le droit d’auteur est un droit de l’homme, du travailleur créateur, pas seulement patrimonial mais aussi moral” Bessora, écrivaine
“Le droit d’auteur est un droit de l’homme, du travailleur créateur, pas seulement patrimonial mais aussi moral, rappelle l’écrivaine Bessora, présidente du CPE jusqu’en septembre dernier et vice-présidente du Syndicat national des auteurs et des compositeurs (Snac). Il rejoint la notion de consentement, de respect de l’intégrité et de la volonté du créateur, des valeurs très modernes.”
De l’avis des auteur·trices, les avancées de la négociation étaient, à la fin de septembre dernier, minimes : “Nous sommes arrivés avec un panier de courses assez rempli alors que les éditeurs semblent se satisfaire de la situation actuelle”, résume Christophe Hardy. Les palabres devraient se conclure au début du mois de novembre prochain. Au même moment, la grand-messe du Goncourt sera dite. Célébrant le génie littéraire, tout autant que le fonctionnement profondément inégalitaire de l’industrie du livre.
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