L’autrice Sarah Moss nous plonge avec délice et génie dans le quotidien d’un petit cottage secoué par la pluie.
C’est un petit camping isolé au bout d’une route, quelques cottages en bois plutôt décatis. En ce mois d’août où il pleut tout le temps, les familles qui les occupent sont désespérées et n’ont d’autre loisir que d’épier leurs voisin·es. Comme dans son précédent roman, Dans La Lande immobile, Sarah Moss sait insinuer un sentiment d’angoisse diffuse, qui s’amplifie de page en page.
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Elle se glisse de cottage en cottage, dans l’intimité de chaque estivant·e. Un couple de personnes âgées, une mère débordée, des ados furieux·ses d’être coincé·es là, une petite fille, un père de famille. Une série de portraits parfaitement réussie, car Moss sait dans des situations banales débusquer la détresse bien cachée, l’incommunicabilité, les failles d’une vie. Elle sait aussi souligner les différences de classes sociales qui perturbent ce microcosme, où la promiscuité exacerbe les frustrations. La colère de ces représentant·es de la classe moyenne britannique va se concentrer sur un des cottages, occupé par les Shevchenko, cette famille jugée différente et qualifiée indifféremment de roumaine, ukrainienne, et polonaise.
La nature en fond de toile
Ainsi sont suggérées des problématiques récentes ou anciennes qui occupent le Royaume-Uni, le Brexit ou l’antagonisme opposant les habitant·es de Glasgow et de Londres. Mais chez Moss, elles sont sous-tendues par des conflits plus universels, en particulier par les questions de genre. Et autre chose travaille en souterrain, à l’insu des protagonistes. Entre les chapitres, la romancière intercale des pages qui racontent la forêt, tout ce que les vacancier·ères ne soupçonnent pas, notamment les luttes sauvages que se livrent les animaux affamés pour se nourrir. La nature devient ainsi un élément imprévisible, et dans la façon dont elle met en scène la pluie, Moss est particulièrement remarquable.
Car la pluie ici n’est pas seulement un décor. C’est une matière organique qui s’insinue partout, et surtout un élément narratif, qui permet de transformer le quotidien d’un petit camping en véritable cauchemar.
Sarah Moss. Encore un jour de pluie, traduit de l’anglais par Laure Manceau. (Actes sud), 192 pages, 22 € En librairie le 2 juin.
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